L’auteur patrouille et raconte Wendake avec tant de minutie et d’empathie qu’on oublie les hésitations de l’écriture et le caractère un peu échevelé de l’ensemble. Autant, en effet, sont familiers les édifices et monuments par lesquels la ville de Québec rend hommage aux legs autochtones, autant la plupart d’entre nous ignorent les secrets et les messages de Wendake. Déployant de sensibles antennes, Gilbert ajoute à sa description des lieux les échos des événements qui signalent les parentés méconnues entre les autochtones d’ici et ceux des autres continents. Gilbert met ainsi en lumière les travaux de Maurizio Gatti ; à titre d’exemple, Mots de neige, de sable et d’océan, Littératures autochtones (CDFM, Wendake, 2008).
Cette louable ampleur des perspectives comporte une rançon, celle d’inclure des éléments de pertinence douteuse. Le Centre des congrès de Québec trouve une niche entre le Secrétariat aux affaires autochtones et le monument (inuksuk) offert au Québec par les Inuits du Nunavik, au motif que le Centre a accueilli telle conférence à connotation autochtone. Un tel rappel ne rend aucun service au visiteur.
Soucieux de renseigner le visiteur sur l’histoire autant que sur les traces tangibles de la présence autochtone, ce « guide de terrain » s’expose à d’autres risques, dont celui de substituer, faute d’espace, l’affirmation à la preuve. « Ironiquement, écrit-on à propos de la bataille de Sainte-Foy, ce sont les Anglais qui initièrent la pratique du scalp, celui-ci constituant la preuve du meurtre d’un Indien pour lequel les soldats Anglais étaient récompensés d’une prime en argent ». Français anglicisé (initier), affirmation mal circonscrite. Gilbert se montrera péremptoire à propos du hockey, « un sport aussi inventé par les Amérindiens ». Donald Guay, un spécialiste du domaine, s’exprime plus prudemment : « L’origine et l’évolution de cette pratique corporelle (le jeu de crosse) sont suffisamment connues pour que nous puissions avancer que le hockey sur glace n’est pas issu de la crosse même si le principe du jeu est analogue » (L’histoire du hockey au Québec, JCL, 1990).
Bouclons la boucle : l’éclairante sympathie que porte Gilbert à l’agglomération de Wendake réduit les gaucheries du livre au rang de détails (presque) négligeables.