Histoire d’adultère et de mots, histoire d’amour donc, Perasma raconte dans le moindre détail les états d’âme et de corps de Pierrot Saturnin, librettiste sexagénaire qui s’éprend d’une jeune femme dont le prénom, Perasma, signifie « passage ». Bon ou mauvais augure que ce prénom inusité ? Cette jeune femme très belle, ethno-musicologue, mariée et mère de deux enfants, séduit le librettiste et lui rend pour un temps l’illusion de la jeunesse. Atteint de la maladie de La Peyronie, une affection castratrice, Saturnin, abandonné par Margot, sa compagne, bénéficie d’un sursis en vivant ce qu’il appelle « un premier amour tardif ».
Le roman de Pierre Mertens est en quelque sorte la chronique de cette liaison, le verbatim des moments d’un bonheur partagé au creux du lit mais aussi des heures d’appréhension, de peur, d’attente… l’attente du coup de fil qui ne vient pas, l’espoir d’une visite, le danger et les aléas de la clandestinité, les déceptions, les insatisfactions, les voyages en solitaire, l’ambivalence des sentiments : « Nous jouions sans doute à être amoureux. Je jouais sûrement à être heureux. »
Les privations qu’infligent les amours interdites, les frustrations qu’elles traînent dans leur sillage, il faut savoir les vivre au jour le jour pour arriver à jouir des instants de pure félicité qu’elles accordent à ceux qui réussissent à les accepter : « Pour apprendre à vivre, il ne faut pas toujours se priver d’une tristesse de plus » Quand prend fin cette merveilleuse aventure, Pierrot Saturnin a-t-il réellement appris à vivre ? Si l’amant délaissé est triste, l’artiste en lui a suffisamment engrangé et opte pour la création : « S’il n’est dans le pouvoir d’aucun livre de sauver une passion, on peut l’y suicider pour lui survivre. » Ce qu’on retient de ce dernier roman de Pierre Mertens qui fut en lice pour le Goncourt 2001, c’est d’abord et avant tout l’allure de son style et la beauté de son écriture. D’une implacable lucidité…