Par les temps douloureux que nous traversons, il ne faut pas s’étonner que la poésie retrouve parfois le chemin du social. Dans Noir devant, Jean-Pierre Milovanoff, poète français d’origine russe, se laisse entraîner à travers diverses formes poétiques à dire ce qui se passe de plus sombre en ce monde contemporain. De la forme brève à l’épopée, son écriture est sensible au réel, à la plainte qui monte de l’expérience vitale, aux petits riens comme aux grandes causes. D’un rythme régulier, sa poésie, parfois grave, parfois ironique ou même tendre, interroge « La pierre du temps » et se met à l’écoute de ce que racontent « Les chamans », « Quand débordent les fleuves rouges », les paysages intérieurs, la nature et ses tumultes. Il écrit : « Aux deux bouts de la Création, / celui qui rédige et celui qui brûle le livre, / celui qui dresse la stèle et celui qui la renverse. / Celui qui crie la Vérité et celui qui ne l’entend pas, / ne sont qu’une seule personne. »
Noir devant, un livre de sagesse ? Certainement pas, mais un livre d’urgences, de failles qui cherchent « la tête haute », du sens à travers les légendes et les objets du quotidien. Des mots comme des « fleurs », des répétitions comme une mémoire qui s’y obstinent à chanter la « Ballade du combat toujours à reprendre ». La poésie de Jean-Pierre Milovanoff, qui est également dramaturge (Cinquante mille nuits d’amour, Julliard, 1994) et romancier (Auréline, Grasset, 2000), a du souffle, elle se déploie avec une certaine intemporalité, entre le monde à observer et celui à changer. « Quelque pli nouveau de la langue / arriverait à bon port ? » demande le poète, « ici, là-bas, ailleurs, partout. »