En quatrième de couverture de ce premier recueil de Natalie Thibault, on retrouve une élogieuse présentation de Richard Desjardins : « Pyromane de la réalité. Dynamiteuse des sentiments convenus. C’est libre comme la mort et ça flye, un faucon en piqué. De la poésie comme j’aime ». On l’aura compris, difficile pour celui ou celle qui parcourt cet ouvrage de faire abstraction d’un commentaire aussi favorable. Fort heureusement, la poète mérite les fleurs qu’on lui lance, cette plaquette d’une cinquantaine de pages se révèle parfaitement réussie. Entre l’énigme et la révélation, avec un brillant laconisme, Natalie Thibault aligne les vers comme autant de petits quiproquos. Aussi, c’est avec une habile manière pince-sans-rire qu’elle sait faire grincer des dents : « Pendant que ma mère / se saoule de parfum gratis / et se prend pour Coco Chanel / je tète un suçon / seule comme une chaise / au rayon des objets perdus » (« Samedi après-midi chez Eaton »). La poétique privilégiée ici emprunte de nombreux éléments à la langue populaire et au discours de la société marchande. Aussi, cette évocation de la vie quotidienne par l’utilisation de marques de produits à usage domestique laisse souvent place à des passages plus introspectifs et plus personnels. Cette cohabitation judicieuse du rigolo et du sensible favorise et augmente le caractère polyphonique de l’ensemble. Une fois entré dans l’univers de cet ouvrage, on se rappelle soudainement qu’allumer un brasier ne nécessite qu’une simple allumette, et à cet égard, c’est avec une économie de moyens astucieuse que l’auteure joue les pyromanes. Qui s’y frotte s’y pique ; substance explosive, les textes sont percutants, brefs et précis. En somme, ce livre porte un intrigant titre iconoclaste, mais surtout, il le porte vraiment bien.