L’un des monstres sacrés du cinéma français (avec Gérard Depardieu, Alain Delon, Jean Rochefort, Jean-Louis Trintignant, Claude Rich), l’acteur Philippe Noiret (1930-2006) a joué durant un demi-siècle et il a côtoyé les plus grands : Gérard Philippe, mais aussi Alfred Hitchcock dans Topaz, Fred Astaire dans Un Taxi mauve ! Son autobiographie relate les tournages de ses meilleurs films, dont Alexandre le bienheureux d’Yves Robert, en 1967, et Le vieux fusil de Robert Enrico, en 1974. Mais une autobiographie d’acteur accorde parfois plus d’importance aux tournages mémorables, comme l’adaptation méconnue de Poil de carotte réalisée par Henri Graziani en 1973. L’acteur raconte par ailleurs comment le long métrage La Vieille Fille (1972), qui semblait très moyen, remporta contre toute attente un vif succès : le producteur, qui manquait de films à distribuer dans ses réseaux de salles pour l’été 1972, plaça le film au programme sur toutes les affiches. C’est le genre d’anecdotes que l’on ne peut apprendre que dans les biographies d’acteurs ! À propos des Ripoux (réalisé par Claude Zidi), Noiret confie qu’il a pu par la suite profiter « des avantages dignes d’un authentique ripou », tant son personnage semblait crédible.
On aura peut-être remarqué que toute biographie publiée en France décrit les rayons de la bibliothèque familiale et indique les influences littéraires les plus marquantes. Mémoire cavalière n’y fait pas exception ; au-delà des passages obligés (Jules Verne, Alexandre Dumas et Le dernier des Mohicans de Fenimore Cooper), on découvre parmi les lectures de jeunesse Croix de bois, une chronique de la Grande Guerre de Roland Dorgelès.
Un acteur ne peut faire abstraction de son physique, et les réalisateurs qui ont choisi Philippe Noiret lui ont permis d’incarner une multitude de personnages, sympathiques, bourrus, naïfs ou malhonnêtes, dont le cinéma a tant besoin – car presque tous les autres acteurs voulaient jouer le héros ou le séducteur. Pleinement conscient de son image, Noiret évoque modestement comment s’est construite cette réputation de charme et de velours autour de sa personne. Mémoire cavalière se lit aisément, mais il nous manque la voix généreuse de ce grand acteur, qui à elle seule avait donné un velouté inoubliable dans le film d’animation L’Homme qui plantait des arbres (1987) de Frédéric Back. Une vingtaine de petites photos et une filmographie définitive complètent l’ouvrage.