Est-ce vraiment un roman que nous offre l’académicien français Erik Orsenna ? L’auteur relate l’épopée fantastique de madame Bâ, une résidente française d’origine malienne, mais reproduit une vraie lettre du président Chirac à une dame du même nom, lui accordant avec égard un visa de résidence.
Toujours est-il que l’on suit l’histoire palpitante de Marguerite Bâ, institutrice à la retraite, veuve, grand-mère téméraire et orgueilleuse, tout entière vouée à son Mali natal, et qui décide, de manière grandiloquente, de ramener l’ordre dans son pays pris d’assaut par des fanatiques religieux.
Telle Jeanne d’Arc à qui elle se compare, elle revient au Mali pour tenter d’y réinstaurer les « Lumières », soit l’Éducation (avec un grand e). Qui, selon elle, ne peut prendre racine que par la régulation des naissances, l’enseignement aux filles, de meilleures perspectives de vie pour les jeunes.
Le retour de madame Bâ au Mali commence par une visite dans un camp de réfugiés, des résidents du nord du pays fuyant la folie des islamistes ayant imposé l’application rigide de la charia, le voile forcé aux filles, le châtiment corporel aux voleurs.
On la suit ensuite dans une expédition sur le fleuve Niger, jusqu’à son arrivée dans la ville séculaire de Tombouctou, dilapidée par des islamistes sans vergogne, qui spolient les trésors humains qui s’y trouvent, notamment des manuscrits datant de plusieurs siècles. Telle une torche flambant dans la nuit, madame Bâ retrouve ses réflexes d’enseignante et, au péril de sa vie, décide d’y rouvrir l’école, « le seul rempart contre la folie ». Elle y prône ouvertement la contraception : les femmes ne pourront jamais s’affranchir si elles s’obstinent, selon les volontés irréfléchies des hommes, d’élever plus de trois enfants (un nombre raisonnable pour une famille moderne, selon madame Bâ !).
Brièvement capturée par des djihadistes, madame Bâ sera libérée, et rencontrera même le président Hollande, venu sur place se réjouir de l’opération menée par les militaires français pour éradiquer la menace islamiste dans la région.
Racontées par son griot (conteur) et petit-fils Ismaël, lui aussi résidant en France, les aventures de madame Bâ se déploient sur un ton badin (un passage se moque même d’un adjoint du président Hollande, un certain Erik Orsenna !).
« Mali, ô Mali ! Qu’est-il advenu de mon pays ! » clame madame Bâ. On sent bien, à travers cette singulière héroïne, qui parle à voix haute à son défunt mari, la tristesse réelle du romancier envers un ami subitement atteint de déraison, et dont on souhaite tant qu’il retrouve la sagesse.