Dans L’ouvert de ultime, Tombeau de Gatien Lapointe 1931-1983, le Camerounais Fernando d’Almeida rend hommage au grand poète québécois, fondateur des Écrits des Forges, nationaliste, mais aussi terrien, humain parmi les autres devant la mort. Comme le sous-titre du recueil l’indique, c’est le tombeau même du poète que tente d’évoquer Fernando d’Almeida. Le vers qu’il nous a laissés, certes, le lien encore vivant qu’il a tissé entre poésie et terre – « Tu es ce poète d’altitude buvant / À la goulée chantant à pleine poitrine / La terre qui t’enterre ». Mais aussi ce néant qu’il est devenu, que sa poésie a constamment mis en scène pour, peut-être, en adoucir les contours. Fidèle à Lapointe, L’ouvert de l’ultime parle donc du « côté calcaire du néant ». Entreprise difficile qui ne manque pas d’être ici interrogée : « Par quel infini de rien / Aborder de gué / Pour te parler à l’aval / Du jour sous les troncs d’arbres / Ricochant sur ton crâne gelé ».
Ce qui étonne surtout dans ce recueil, c’est de voir la langue de Lapointe résonner dans la poésie d’un Africain. La neige, les rouges-gorges, le vent du nord, le fleuve, qui nommaient chez le Québécois autant l’origine, la blessure de vivre, la joie d’être que la mesure de la perte, trouvent écho chez Fernando d’Almeida, qui semble les avoir vécus, voire intériorisés, mais avec la distance de la ferveur et du respect. Les vers s’enflent de toute cette matérialité, de façon parfois très lyrique à la manière d’un Senghor, puis, surtout dans la deuxième partie du recueil, « [l]es mots vont à l’élémentaire / Étinceler dans l’obscur ».
Qu’ont-ils d’autre en commun, ce mort et ce vivant, « [s]i ce n’est le fait / de faire semblant d’être encore / Assis dans l’ambivalence / À bégayer / À zézayer / Au large pulmonaire du rien » ? Qui des deux est le vivant ? Qui des deux est le mort ? semble demander Fernando d’Almeida.