Ce roman figurait sur la liste des 17 lectures préférées de Barack Obama en 2020. Le 44e occupant de la Maison-Blanche ne s’y trompait pas : l’auteure primée de Station Eleven signe ici un remarquable cinquième ouvrage.
Jusqu’à présent, toute la production d’Emily St. John Mandel était placée sous le signe des littératures de l’imaginaire : roman policier pour ses trois premières œuvres (Dernière nuit à Montréal, On ne joue pas avec la mort et Les variations Sebastian), science-fiction pour Station Eleven. On pourrait supposer qu’un récit inspiré de l’affaire Madoff et de la pyramide de Ponzi verserait moins dans la fiction de genre. Et pourtant, l’auteure trouve le moyen de transposer, avec un doigté exquis, un scandale financier dans une histoire de revenants.
Composé de plusieurs segments narratifs situés entre 1994 et 2029, L’hôtel de verre retrace surtout l’histoire de Vincent Smith, une jeune femme originaire de l’île Caiette, près de Vancouver. Secouée par la noyade de sa mère quand elle avait treize ans, Vincent est devenue une adolescente rebelle. Un graffiti tracé sur les vitres de son école, « Envolez-moi », traduit bien son désarroi. Son père vit désormais à Toronto et son demi-frère Paul, venu terminer son secondaire à Caiette afin de veiller sur elle (tâche dont il s’acquittera très mal), reste une sorte d’étranger pour Vincent. Les choses prennent toutefois un autre cours quelques années plus tard quand la jeune femme, officiant comme barmaid à l’hôtel Caiette, sur son île natale, rencontre le riche homme d’affaires Jonathan Alkaitis. Bien qu’il ait trois fois son âge, il lui propose de devenir sa concubine et de mener la grande vie. Vincent accepte et s’en accommode parfaitement jusqu’au jour où les masques tombent : Alkaitis est un escroc et il a dilapidé les économies de nombreux investisseurs. Le destin de Vincent s’en trouve alors à nouveau bouleversé.
Mandel insère adroitement des figures de revenants dans son récit. Pas au point de faire de L’hôtel de verreun roman fantastique, mais assez pour filer une troublante métaphore. Ainsi Paul, après avoir causé la mort de trois musiciens en leur refilant par mégarde de la mauvaise ecstasy, les voit brièvement réapparaître. Alkaitis, condamné à 170 ans de prison, s’évade par la pensée dans une « contrevie » formée de décisions différentes et peuplée de fantômes. Leon Prevant – personnage de Station Eleven qui évolue ici dans un univers parallèle – devient une sorte de spectre après avoir tout perdu. Un roman magistral.