Voici le troisième volume du Cours offert par Michel Foucault durant dix ans au Collège de France. 1981-1982 est l’année où il développe une réflexion, comme à l’habitude minutieuse, sur l’herméneutique du sujet, c’est-à-dire sur le souci de soi-même tel qu’il est déployé dans la philosophie grecque et romaine chez des penseurs comme Platon, Marc Aurèle, Épicure, Sénèque, Plutarque, Pline et plusieurs autres. L’enjeu s’avère de taille puisqu’il s’agit ni plus ni moins que de cerner les paramètres et les mouvements d’une vaste activité thérapeutique qui traverse l’Occident dans son ensemble et pose la question de la relation « asymptotique » entre la vérité et le sujet.
Dès le départ, Foucault déplace notre horizon d’attente en ne s’appuyant pas sur le « connais-toi toi-même » delphique et en partant de la notion grecque d’epimeleia heautou (en latin cura sui), forme de la règle générale du « il faut que tu t’occupes de toi-même ». En fait, les deux perspectives se révèlent étroitement reliées même si notre culture a privilégié la première, en particulier depuis Descartes, ce dernier ayant en quelque sorte mis en place les conditions qui font qu’à l’âge moderne le sujet ne semble pouvoir avoir accès à la vérité que par la connaissance, elle-même fondée sur la Raison et le consensus scientifique.
Quels sont dans ce contexte les éléments définitionnels permettant la formulation philosophique du souci de soi ? Il s’agit d’abord d’une attitude générale à l’égard de soi, des autres et du monde, attitude qui détermine les modalités de l’action. Or, cela nécessite une posture du regard et de l’attention, « implique une certaine manière de veiller à ce qu’on pense et à ce qui se passe dans la pensée ». La veille cette veille On se prend à rêver au chant du Finnegans Wake Il y a ensuite une forme d’attention « retournée vers soi » donnant lieu à des procédures matérielles et spirituelles de purification conduisant à la transfiguration. Nous nous trouvons là devant la nécessité politique de fonder une éthique du sujet, éthique bien ancrée, dans l’histoire, si nous voulons phagocyter les mécanismes d’exploitation. Y a-t-il plus actuel ? plus urgent ?