Plusieurs inédits de Pier Paolo Pasolini (1922-1975) ont été traduits récemment, dont un très beau journal, La longue route de sable (Arléa, 1999), un recueil de poèmes, Dans le cœur d’un enfant (Actes Sud, 2000), des écrits de jeunesse comme Douce et autres textes (Actes Sud, 2000), et Lettres luthériennes, Petit traité pédagogique, cet ensemble de chroniques parues dans un magazine italien à grand tirage, en 1975. Le titre (pourtant traduit de l’original) me semble mal choisi et donne (combiné au mauvais dessin de la couverture) une impression d’austérité que l’on ne trouve pas dans ce livre fervent et engagé. Pour Pier Paolo Pasolini, « […] le devoir des intellectuels serait de démasquer tous les mensonges qui, à travers la presse et surtout la télévision, inondent et étouffent ce corps d’ailleurs inerte qu’est l’Italie ».
Dans ces chroniques hebdomadaires, l’écrivain veut faire comprendre les rouages du monde qui l’entoure, dans un ton polémique, proche de ses célèbres Écrits corsaires (Flammarion, 1975), rédigés juste avant. Les articles portent sur l’actualité politique italienne de 1975, mais aussi sur la littérature, l’éducation politique, la sexualité et sur certaines œuvres de l’auteur (Pasolini commente rétrospectivement son premier film, Accattone, ou sa « trilogie de la vie »). Beaucoup de textes critiquent sans relâche la bourgeoisie (Pasolini compare volontiers le consumérisme au fascisme), mais en revanche certains articles reprochent aux jeunes leurs modes ridicules, leur naïveté et leur ignorance (un des textes critiques à l’égard de la jeunesse s’intitule « Nous sommes beaux, alors enlaidissons-nous »).
Quarantième ouvrage de Pier Paolo Pasolini à être traduit en français, Lettres luthériennes fait partie de cette trentaine de livres posthumes qui confirment une fois de plus la nécessité de redécouvrir ce grand écrivain italien dont les films ‘ célèbres et souvent célébrés ‘ ne forment qu’une partie de l’œuvre, à la fois riche et abondante. Enfin, à titre de référence majeure sur l’écrivain-cinéaste, signalons un remarquable numéro spécial d’une revue française méconnue, Théâtres au cinéma (No 11, 2000), entièrement consacré à Pasolini et qui restera une somme sur ce grand artiste.