Parce qu’elle semble prise entre réalité et idéalité, l’œuvre d’art n’a été philosophiquement pensée que comme une représentation imitative et, dans le meilleur des cas, une figuration sensible de l’idée. « Interroger l’étoffe de l’art, c’est rechercher un autre rapport entre le sens et la matérialité, une autre texture du Sens » pose Pierre Rodrigo, docteur en philosophie qui enseigne actuellement à l’Université Montpellier-III. L’esthétique hégélienne oriente encore notre compréhension de l’art. Or, les catégories esthétiques usuelles, qui participent d’un univers logique, n’ont guère à voir avec la phénoménalité des œuvres. « La conception idéaliste de la beauté artistique, dont la philosophie de Hegel marque le point d’orgue, fut élaborée dans un climat intellectuel néoplatonicien où l’on évoquait assez indistinctement l’imitation-idéalisation et l’imitation-copie, dans la plus grande ignorance des doctrines effectives de Platon et d’Aristote. »
Aristote, Cézanne, Hegel, Homère, Lessing, Merleau-Ponty, Platon, Plutarque, Soulages ou encore Winckelmann se répondent dans cet essai réservé aux seuls philosophes ou, à la rigueur, aux seuls passionnés, tant est pointue la langue de Pierre Rodrigo, pour qui iconologie, esthétique et phénoménologie sont des disciplines parfaitement maîtrisées.
Pour les lecteurs profanes, qui liront que « le substantialisme et l’éidétique ne peuvent qu’échouer à dire la spectralité iconique de l’image artistique, puisque leurs catégories cardinales ont précisément été déposées au fil de la réduction », cette étoffe-là paraîtra bien torse…