Lire les nouvelles de Louise Dupré, c’est suivre une voix et un regard qui vous entraînent tout doucement, mais résolument « dans les anfractuosités » des cœurs, des esprits, des corps. C’est se trouver dans des univers d’une extrême familiarité, surtout si l’on est une femme.
La voix et le regard livrent sans détours, sinon ceux de la phrase, ce qui est, simplement, et l’écrit tire toute sa force et sa profondeur de cette droiture, de cette honnêteté. Les personnages atteignent une telle proximité grâce à cette franchise que les quitter devient aussi difficile que de quitter un ami ou une amie qui vous a fait une confidence troublante. Pas d’éclat au fil du récit, pas de renversement forcé et artificiel en fin de parcours. Que cette ligne fine et ininterrompue sur laquelle la narratrice funambule évolue jusqu’au déploiement de cette délicate vérité qu’elle a entrevue et peu à peu dévoilée.
Subtilité du regard, fluidité de la voix, l’émotion, comme la vague d’une mer calme qui avance puis se retire. L’émotion touche, car il est question des fondements de la vie, l’enfance, la mère, le père, l’amour, la mort. Un détail tombe sous les yeux de celle qui observe. Il fait ressurgir l’inéluctable, ce qu’on ne peut ignorer. Dans l’ensemble des nouvelles, la narratrice a fait le pari de la lucidité. Dès lors, pas de mascarade. Les événements, les mots, les gestes « prennent de l’épaisseur » et révèlent cette part de vérité non avouée à soi-même jusqu’alors.
Le voyage, vécu ou rêvé, favorise l’observation sous un angle inhabituel, celui du désir d’abord, au seuil du rêve, puis celui de la vie vraie, authentique. Le réel adopte alors ses véritables contours.
Louise Dupré pénètre si finement l’intime par son écriture qu’elle atteint cette « vie qui s’est bâtie patiemment dans [une] vie ». C’est à prendre ou à laisser. Le plus souvent, ses personnages admettent ce qui est et choisissent de persévérer, car l’espoir est permis. Il faut bouger, suggèrent-ils.
La reprise de textes déjà parus et leur assemblage en un recueil de nouvelles permettent de constater la récurrence de thèmes et de façons de construire le récit, d’aborder la narration. Je n’y vois pas d’inconvénient, mais plutôt l’occasion de réfléchir plus à fond à l’élaboration d’une œuvre.
Une lecture toute en subtilités, qui nous pousse à bouger, à voir autrement.