Cet essai résulte de la rencontre de Marcel Perès, directeur de l’ensemble de musique médiévale Organum, et de Jacques Cheyronnaud, spécialiste en ethnologie religieuse de l’Europe. Ce dernier a, par ailleurs, rédigé une thèse de doctorat sur le lutrin d’église et les chantres. C’est justement à la pratique cantorale, au sein de la liturgie de l’Église catholique, qu’est consacré Les voix du plain-chant. Les deux auteurs réhabilitent la tradition des chantres depuis ses origines les plus anciennes. En effet, comme le rappelle Perès, la réforme du chant grégorien, menée au XIXe siècle et entérinée par le pape Pie X en 1903, a relégué dans l’oubli une manière de chanter fondée notamment sur un art consommé de l’ornementation.
La réflexion de Perès et Cheyronnaud se révèle passionnante, même pour des lecteurs profanes et peu familiers de la musique religieuse. Marcel Perès, notamment, rend compte du développement du plain-chant à travers les siècles, en intégrant de nombreuses références historiques, culturelles et sociales. Il est particulièrement intéressant d’observer à quel point l’évolution de la musique réservée à la liturgie a été liée à des enjeux extra-esthétiques. Ce constat s’impose de nouveau lors de la lecture de la seconde partie de l’ouvrage, dans laquelle Jacques Cheyronnaud évoque les tensions, au sein de l’Église, entre partisans des chantres et défenseurs des chorales paroissiales. Bien que certaines congrégations aient continué de maintenir la tradition des chantres, l’uniformisation des textes et des mélodies s’est largement répandue au XXe siècle dans l’ensemble du monde catholique.
Un disque compact accompagne Les voix du plain-chant et permet de se faire une idée de cette pratique, aujourd’hui presque oubliée.