En ces temps où les notices nécrologiques rivalisent avec les tables de natalité, voici un sujet qui est sans doute familier à bien des lecteurs de la génération des baby boomers qui ont, aujourd’hui, des parents vieillissants. Sept personnages prennent tour à tour la parole pour livrer leurs états d’âme qui se révèlent, bien souvent, liés à leur état de santé : « C’est toujours aux pieds que j’ai froid. Ça doit être la mort qui commence. Ou elle frappe en haut, d’un coup sec. Ou elle entre par les pieds, en hypocrite. »
Aux prises avec l’angoissante certitude que la mort demeure le seul projet d’avenir à cet âge où le moteur s’essouffle, la mécanique se détraque et la carrosserie se déglingue, Aline, Roméo, Hortense, Mado et Donat, Olivette et Délina s’épanchent avec une implacable lucidité : celle de ceux et celles qui n’ont plus rien à perdre. En effet, Jean-Pierre Boucher met en scène des vieillards désSuvrés et moroses qui sont abandonnés par leurs enfants, par la famille. Déçus et aigris, ils tuent le temps tantôt en se remémorant des moments de leur vie, tantôt en commentant la vie des autres.
Réflexion sur la vieillesse – issue à laquelle nul ne peut échapper (à moins d’un accident ou d’une maladie incurable) -, Les vieux ne courent pas les rues a d’abord été joué au théâtre et a obtenu du succès. Sans doute l’aspect caricatural des personnages passait-il mieux sur scène que par le silence de la lecture. Je me suis demandé, en effet, pourquoi ses personnages étaient tous un peu dingues comme si vieillir, c’était inévitablement s’infantiliser, se fêler.
Ce roman, qui se termine par la confidence de Fabienne, la préposée bien-aimée qui chérit ses vieux jusque dans leurs derniers moments, nous touche tout de même puisqu’il nous met sous le nez une réalité qu’on cherche le plus souvent à occulter.