« Écrire, c’est réduire », aime à nous rappeler le narrateur de cette chronique, qui va même jusqu’à prétendre qu’il a respecté cette consigne en nous livrant une brique de plus de 600 pages. Il faut croire que tout le monde n’a pas la même définition de la concision.
Il faut croire aussi que tout le monde n’a pas la même vision de ce genre littéraire qu’est la chronique. En effet, on a ici une belle illustration du fait qu’il ne faudrait peut-être pas prendre à la lettre la vision de Stendhal, selon qui le roman serait « un miroir qui se promène sur une grande route ». Un peu de discernement dans le choix des incidents et des descriptions, au fond, ne fait jamais de tort
Car pour qu’un récit soit intéressant, fût-il une chronique, il faut tout de même un ou des fils conducteurs pas trop ténus et des personnages présentés de l’intérieur, qui nous accrochent, auxquels on s’identifie, qui ont des choses à nous apprendre.
Quelques pages des Soupirs du cloporte répondent à ces exigences. Pensons notamment à l’histoire de Marc Savignac, élevé par une féministe qui, sans en être vraiment consciente, lui renvoie une image méprisante et humiliante de son sexe. Il aura le malheur d’être présent et de n’avoir pu rien faire au massacre de l’École Polytechnique. Beau cas fécond, d’ailleurs bien exploité ici. Mais ces quelques filons, qui auraient pu constituer un début de recueil de nouvelles, se perdent dans un flot de mortier qui ne prend pas et d’élucubrations dont on se lasse vite, dans lesquelles l’auteur semble incapable de résister à la tentation de se projeter à l’avant-plan comme un enfant qui manque d’attention, avec ses réflexions blasées sur la vie et la société et même sur ses propres personnages et sa propre démarche d’écriture.
« Ajoutez quelquefois, et souvent effacez »