La quatrième de couverture présente le dernier ouvrage de Chrystine Brouillet comme un « roman historique aux accents fantastiques » et le qualifie de « livre baroque ». Il est vrai, d’une part, que le récit convoque des temps, des personnages et des faits dont l’Histoire a enregistré la mémoire : pensons à la Venise du XVIIe siècle et à son célèbre musicien Vivaldi, au Chicago de l’époque de la prohibition et au coloré A1 Capone, ou encore au Paris de l’Occupation et au nazisme qui l’a informée durant la Deuxième Guerre mondiale. On ne peut nier, d’autre part, qu’une trame romanesque où des sorciers évoluent allégrement dans ces différents lieux, en disposant de pouvoirs spéciaux et de multiples vies tout en étant soumis aux règles d’un tournoi régi par les « Maîtres » de « Cercles » ésotériques, ne relève pas précisément du quotidien.
Mais la fusion opérée par le mélange de deux genres différents, en soi opposés mais non irréductibles, tend-elle à créer une œuvre unifiée et convaincante ? Il arrive fréquemment que l’on doive répondre par la négative à cette question : telle que réalisée dans Les quatre saisons de Violetta, la réunion d’éléments historiques et fantastiques n’arrive pas toujours, en effet, à produire une entité crédible, susceptible de garder l’accord du lecteur.
Plutôt que de fantastique, d’ailleurs, la quatrième de couverture devrait peut-être parler de merveilleux, à quoi s’ajoutent de surcroît des éléments quelque peu gothiques : c’est le cas de Lorenzo, le vilain du roman, qui, nouvel ogre prolongeant les Contes de Perrault, tue et mange ses victimes après les avoir éviscérées. Ce sorcier a de plus le pouvoir de se métamorphoser : être humain aussi bien qu’animal, il a « encore plusieurs centaines d’années à sa disposition ». Violetta, sa propre fille, lui oppose ses dons de charmeuse de serpents et d’allumeuse de feu à distance. Ses capacités synesthésiques lui permettent en outre de reconnaître le « parfum des notes », les « arômes des couleurs » et « l’architecture des informations olfactives ». La longue quête de cette demi-sorcière connaîtra enfin un happy end significatif.
De nombreux passages du roman ne manquent pas de charme : l’aisance narrative de leur auteure, douée d’une imagination féconde et d’un sens de l’anecdote indéniable, se manifeste à plus d’un endroit et l’on reconnaît souvent la richesse scripturale d’une romancière d’expérience. En revanche, le récit est à la fois trop près de la réalité pour donner dans le fantastique, et le merveilleux donne trop dans le rocambolesque pour se mouvoir de façon naturelle dans les arcanes de l’histoire. Cette œuvre ne participe-t-elle pas, en somme, d’un courant actuellement en vogue dans une certaine littérature antillaise et sud-américaine et que l’on désigne sous le nom de « réalisme merveilleux » ?