En seulement trois titres, Maxime Raymond Bock est parvenu à afficher la diversité de ses perspectives thématiques et formelles, à travers des récits où la mémoire est omniprésente. Mêlant les époques, les lieux, les formes de défaite, L’auteur excelle dans le portrait et le témoignage, et sa novella, Les lames de pierre, a le grand mérite d’approfondir la réflexion sur la perte, sur l’échec, tout en renouvelant le point d’attaque. Dans ce court texte, où chaque page est ornée de phrases qui nous donnent le goût de les citer à nos amis dans des courriels fiévreux au milieu de la nuit, le narrateur, poète à la retraite prématurée, raconte la vie de Robert Lacerte, amateur de poésie effacé, mais acharné. Des Laurentides, évoquées de biais et mises en résonnance avec Gaston Miron et les camps de bûcherons, aux manifestations de la contre-culture montréalaise, en passant par un voyage initiatique au Mexique et un travail routinier pour soutenir sa passion poétique, le parcours de Lacerte, poète du quotidien, est révélé par le narrateur à la fois pour rétablir sa pratique d’écriture et par amitié, par filiation au-delà de la qualité intrinsèque de l’acte créateur. L’existence ainsi exhibée est un constat d’échec, que la maladie et les mauvais vers soulignent, mais elle acquiert sous la plume de Raymond Bock une richesse, une valeur dans sa constance, dans son acharnement, dans son accumulation.
Mettre en scène le témoignage de l’autre et restituer une existence précaire, dire non pas le banal, mais ce qui se refuse au flamboyant, écrire l’histoire d’un être égaré dans les mots, les silences, la présence, tout cela demande une bonne prose, une profondeur de regard, une clarté de style, et Les lames de pierre possèdent toutes ces qualités. Cette novella vibrante trame une vie non pour la magnifier, mais pour consigner du fugace, des attentes, des déceptions, des revers, autant de traces campées dans une écriture attentive aux détails, mais assez ample pour multiplier les aphorismes qui surgissent sans crier gare, jamais comme une chute sûre de ses effets. L’image des lames de pierre symbolise des objets enfouis qui remontent à la surface, dans un fatras, et qui font bifurquer les chemins ; l’écriture de Maxime Raymond Bock a cette faculté de faire remonter les histoires, les témoignages, les silences intimes.
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