Les héritiers de Pierre Boulle veillent attentivement sur sa mémoire (création de l’Association des Amis de l’œuvre de Pierre Boulle) et sur ses archives : des pages manuscrites sur papier pelure retrouvées après sa mort à l’intérieur de trois malles oubliées dans la cave de son appartement parisien. Pendant près de trois ans, Françoise et Jean Loriot ont séché au fer à repasser tiède ces pages humides et les ont méthodiquement classées.
Ce travail, qui nous avait valu la publication en 2005 d’un roman inédit, L’archéologue et le mystère Néfertiti (qui vient de sortir en collection de poche chez Pocket), nous offre aujourd’hui un recueil de nouvelles. C’est en soi un événement.
Très probablement écrites avant l’année 1950, elles sont qualifiées par l’auteur dans la dédicace à sa sœur de « balbutiements d’un futur écrivain qui cherche sa voie », préviennent Françoise et Jean Loriot dans l’avant-propos.
Elles mettent en scène un maître en criminologie, le professeur Merlec, et son élève, le candide Bitard. Évidemment ce duo et la rigoureuse et froide logique du professeur font inévitablement penser à Holmes et Watson. La bouteille de pastis de Merlec est cependant plus conforme à « l’identité nationale » française que la pipe d’opium de Holmes.
Au fil des nouvelles, on apprend comment l’obélisque de la place de la Concorde a pu imperceptiblement disparaître et réapparaître, comment une jeune danseuse a pu se suicider « accidentellement » à la fois par empoisonnement, balle, poignard, pendaison et gaz ! On sourit à l’impertinente apparition d’une nouvelle Ève dans une boîte de nuit nommée « Le Paradis ». Et, résonnant étrangement avec un leitmotiv de la dernière campagne présidentielle en France, on découvre jusqu’où peut mener la maxime sarkozyste « Travailler plus pour gagner plus » quand elle est mise en application par un bourreau.
Le ton général du livre est celui d’un plaisant pastiche écrit par un auteur déjà parfaitement maître de son art. Tout est rigoureusement bien mené jusqu’à la chute finale, en forme de gag, un mystère qui ne sera jamais élucidé.
Au fil des pages, le lecteur ne peut que retrouver le sourire avec lequel elles ont certainement été écrites.