Les lecteurs sont toujours curieux de découvrir une nouveauté de Dany Laferrière, cet auteur que l’on dit des Amériques puisqu’on peut difficilement le ranger d’emblée dans la littérature haïtienne, la littérature québécoise Ne nous a-t-il pas annoncé récemment qu’il était un auteur japonais ? Et le voilà qui se fait ou refait une identité : fils d’un homme politique haïtien, Haïtien de naissance, il a vécu plus de 30 ans d’exil. En vérité, Dany Laferrière ne s’est jamais livré autant que dans le récit de ce retour au pays natal (rien à voir avec l’œuvre d’Aimé Césaire, même si Laferrière apporte avec lui, dans son voyage, un de ses recueils de poèmes).
On voudrait tellement croire que le retour au pays natal est un remède aux peines de l’exil. Mais, on découvre que c’est la perte de tous les repères due à la distance dans le temps et dans l’espace. Avec ça, il faut parfois tout réapprendre et, pire encore, quelquefois désapprendre. Ce retour apparaît-il alors comme une sorte d’exil à l’envers ?
C’est un retour peu souhaité, comme l’est rarement le départ pour l’exil. Le père de Dany Laferrière, qu’il n’a pas connu, s’était lui aussi exilé, mais longtemps avant lui. Chacun d’eux a vécu dans un coin de ces pays du Nord où la chaleur du soleil fait place, chaque année, au froid de l’hiver. Ils ne se sont jamais rencontrés. Pour son père, ça a été la mort sans le retour, pour lui c’est le retour à cause de cette mort.
La mort, pour l’enfant qu’était Dany Laferrière, avait les allures d’un voyage. Elle est tout autre maintenant, et tout autre encore dans ce pays qu’il retrouve et où on semble mourir plus vite qu’ailleurs, où les cimetières sont des havres de paix puisque les tueurs n’y pénètrent pas.
C’est un retour où d’agréables souvenirs d’enfance se heurtent à une réalité cruelle, et puis, dans tout ceci, il y a ce père qui n’existe encore que dans les souvenirs d’une épouse, d’une fille, d’amis proches. Mais qu’a pu devenir cet homme, ce père, cet époux, après tant d’années loin du pays, loin des siens ? L’exil du temps fait des ravages. Dany Laferrière le sait. D’ailleurs, lui n’est plus le même. On le sent bien.