Le roman d’espionnage est un genre littéraire qui comporte un certain nombre de figures imposées. Un héros, le plus souvent mal dans sa peau, doit affronter, seul et au péril de sa vie, de puissantes organisations pour sauvegarder, finalement, les valeurs humanistes de l’Occident. Aux poursuites, pièges et autres violences s’ajoutent un brin d’amour et un peu de sexe. Si Légendes respecte toutes les règles, Robert Littell leur donne un tour fort habile.
Dans le monde de l’espionnage, une légende, c’est la couverture, l’identité fictive qu’adopte un espion pour infiltrer un milieu. Robert Littell ajoute une dimension astucieuse au mystère de ces êtres à tiroirs en affublant son héros du syndrome des personnalités multiples. Au départ, Légendes se présente donc comme unthriller psychologique : qui est vraiment l’ex-agent de la CIA Martin Odum, empêtré dans ses anciennes « légendes » ?
Mais très vite le roman bascule vers une intrigue plus « politique » lorsque l’ancien employeur d’Odum tente de le supprimer pour s’être lancé sur la piste d’un dangereux mafieux russe. Nous voilà alors engagés dans la résolution d’une double intrigue. Et comme si ce dédoublement n’était pas suffisant pour égarer le lecteur, Littell découpe son récit en différentes strates, chacune résumant les hauts faits des légendes d’Odum.
Dans ce roman à coulisses où l’on passe d’une époque à une autre et d’un personnage à un autre, Littell réussit le tour de force de rester parfaitement clair et cohérent malgré la complexité de son intrigue. Bien écrit, bien documenté – l’auteur est un ancien journaliste du Newsweek –, Légendes nous introduit de façon très convaincante dans les méandres du terrorisme international.
Les règles du roman à énigme exigent une résolution de l’intrigue qui désarçonne le lecteur. À cet égard, Légendes pèche un peu par excès. Avec l’inévitable bluette qui va avec le genre, c’est le seul point faible de ce roman, par ailleurs palpitant.