Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’héroïne de ce livre, Léa Bertrand, ne l’a pas eue facile, comme l’affirme l’expression populaire mise en sous-titre : J’ai la mémoire chagrine. Et comme le souligne Romuald, l’autre protagoniste de ce roman, on a affaire non pas à « une scène mélodramatique digne des feuilletons des journaux », mais à plusieurs. Ce roman est divisé en trois parties suivies d’un épilogue.
« Déroutes » est centrée sur Léa, de sa naissance en 1885 à ses fiançailles en 1905. Léa grandit dans une famille pauvre au sein d’un petit village. Contrainte de lâcher l’école et d’abandonner son rêve de devenir institutrice, elle espère épouser Télesphore, son ami d’enfance, avec lequel elle se fiance. Ainsi se termine la première partie.
« Le médaillon » raconte la vie des frères Romuald et Rodolphe de 1923 à 1928. Romuald a été victime de la poliomyélite, ce qui l’a laissé handicapé. Lui et son frère cadet, Rodolphe, ont été placés dans un orphelinat par leur mère, qui leur a promis de venir les chercher dès que sa situation financière la permettrait. Le temps a passé et les deux frères n’ont plus de nouvelles de leur mère. Dès qu’il a son diplôme de huitième année, Romuald décide de tenter sa chance à Montréal et d’amener Rodolphe avec lui. Tout ira bien : il est vaillant, débrouillard, sympathique et serviable. Rodolphe, qui souffre d’une déficience intellectuelle, est fort et gentil. Romuald veut retrouver sa mère et comprendre pourquoi elle les a abandonnés.
« Le poids du passé » se déroule de 1928 à 1931 et se construit autour des liens qui existent entre les principaux personnages des parties précédentes. Romuald trouvera réponse à sa quête en retraçant sa mère et en se liant d’amitié avec sa petite sœur Juliette.
L’épilogue, « Quelques années plus tard », nous amène en décembre 1987. Juliette apprend que Romuald est mort. C’est l’occasion en dix pages de résumer ce qu’il est advenu des personnages.
Saga historique aux personnages sympathiques et attachants, ce roman respecte toutes les lois du genre. L’approche est classique : un récit bien mené aux péripéties nombreuses, un style sobre et efficace, des dialogues nombreux et vivants bien que tous les personnages aient une même façon de s’exprimer, des sentiments nobles et un dénouement heureux bien introduit, mais exempt de surprises. Écrit au présent, le récit fait appel à un narrateur omniscient et à Léa et à Romuald selon les chapitres. De nombreux retours en arrière permettent de saisir l’ensemble de la vie des personnages et des problèmes qu’ils ont rencontrés dans le passé. Ce jeu de va-et-vient donne son rythme au récit et permet à Léa et à Romuald de réfléchir et d’analyser leur vécu.
La recréation de la vie de différentes époques est intéressante et bien documentée. Ainsi, la vie rurale de la fin du XIXesiècle dans un petit village de l’ouest de Montréal y apparaît vivante et colorée, de même que la vie dans le Montréal du premier tiers du XXesiècle.
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