Patrick Senécal est un écrivain populaire. Il excelle, dit-on, dans l’exploration du « côté sombre de l’humain » Pourtant, dans Le vide, son dernier roman, il est question de pédophilie, de scatologie, de travers sexuels de toutes sortes, de la juxtaposition des mots « langue » et « anus », qui, somme toute, n’ont rien de bien ténébreux. Nos médias nous ont depuis longtemps habitués à bien pire, à bien plus sombre. À moins que ce ne soit de ce vide-là dont il est question
Patrick Senécal aime choquer, provoquer, confondre. Ses romans (Sur le seuil, Les sept jours du talion) débordent d’émotions fortes, ambiguës, nuancées, qui nous sortent de la routine quotidienne et nous propulsent dans les zones grises, rarement visitées, de l’âme humaine. Dans Le vide, trois hommes, aussi différents que les méandres qui uniront leur tragique destinée, sont mus par des forces obscures que la société actuelle – moralisatrice et bien-pensante – préférerait ignorer. Un jeune milliardaire nihiliste à l’esprit vengeur, un psychologue tordu et un sergent-détective, veuf et remarié à son boulot, s’évertueront, dans un classique chassé-croisé du genre, à piéger l’autre, à le faire tomber, à l’éliminer, bref, à imposer leur réalité.
Le vide est un roman où l’optimisme n’a pas la cote. La réalité dépeinte, une réalité dominée par la télé-réalité, est peu reluisante et nous jette au visage toute l’ineptie d’une télévision québécoise calquée sur celle des États-Unis. Jugeant sévèrement notre environnement télévisuel, Senécal, comme un buffle rageur dans une boutique de porcelaine, pèche parfois par excès. Cela dit, bien que le message de l’auteur soit, par moments, un peu lourdaud, la lecture est agréable et on peut difficilement résister à tourner les pages, malgré l’heure tardive, malgré l’arrêt d’autobus qui approche, malgré le travail à faire, malgré les assauts répétés à notre pudeur, malgré tout. Le vide de Senécal se lit avec toute l’avidité concupiscente d’un plaisir honteux.