Depuis septembre 2001, on le sait, l’industrie touristique se porte plutôt mal. Gerald Messadié n’y voit pas là une catastrophe, au contraire. Dans un petit livre qui prend les allures d’un brûlot, il se propose de donner l’estocade à cette industrie du « zapping géographique ». En fait, l’auteur se demande « s’il est souhaitable que le tourisme, tel qu’il fut pratiqué jusqu’aux attentats de New York et Washington, se retrouve à son niveau antérieur quand les temps seront devenus plus euphoriques ». À l’aide d’exemples tirés de ses propres voyages, il se livre à une charge en règle contre l’ « Homo touristicus », contre les agences touristiques et contre les transporteurs aériens. Au premier, il reproche entre autres de souffrir d’un besoin névrosé d’évasion, de trouver bien souvent « dans le déplacement un moyen de ventiler des frustrations sexuelles auxquelles il est incapable de remédier dans son propre pays », et de saccager quelques-uns des plus beaux paysages du monde. Gerald Messadié accuse le second d’entretenir une nouvelle forme de colonialisme qui « ne pompe plus le pétrole, l’ébène, le cacao, le coprah, l’or et le cuivre, mais la mer bleue et la peau noire ». Enfin, le troisième est dénoncé pour « avoir rogné à n’en plus finir sur les coûts compressibles, c’est-à-dire le service » et le confort des passagers. Pour ceux qui lui rétorqueraient que l’industrie touristique est nécessaire à l’économie de certains pays du tiers-monde, Gerald Messadié leur répond qu’ « asservir des économies fragiles au tourisme équivaut à les rendre encore plus vulnérables ». En somme, l’auteur reprend à sa manière le discours anti-touristique, voire la fameuse distinction entre le touriste et le voyageur, qui a fait couler beaucoup d’encre de Pierre Loti et Victor Ségalen jusqu’à Hans Magnus Henzensberger, Jean-Didier Urbain et Rachid Amirou. Rien donc de très nouveau à ce sujet si ce n’est le ton employé ici, à la fois polémique et cynique. « Le tourisme n’est pas le voyage. Voire, il est à celui-ci ce que certains accessoires sont à l’amour. Mais bien pire. » Mais qu’est-ce au juste que le « vrai » voyage ? Messadié ne nous le dit pas. On sait, comme le mentionne Jacques Attali dans son dernier livre L’Homme nomade (2003), que les véritables forces d’innovation et de création n’appartiennent pas aux sédentaires mais à ceux qui se déplacent. Reste donc à déterminer, pour autant que cela soit possible, comment devenir un touriste-voyageur idéal.
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