Hélène Dorion poursuit, avec Le temps du paysage, son travail sur le deuil et la séparation. Le lecteur découvrira dans ce très beau livre une suite toute naturelle à Recommencements et même à L’étreinte des vents. On y retrouve le talent qu’a l’écrivaine pour conjuguer paysages naturels et paysages humains. L’ajout des photos qui, prises dans la brume, ont quelque chose de ouaté, ne fait que souligner davantage l’extrême délicatesse avec laquelle Hélène Dorion s’applique à nommer la perte.
Ce qui nous traverse quand on lit Le temps du paysage, c’est l’impression que devant certains déchirements, comme devant cette brume qui gobe l’horizon, nous ne « pouv[ons] que consentir ». Et pourtant, rien chez Dorion ne relève du défaitisme. Il s’agit plutôt d’accueillir le deuil comme partie du paysage.
Le lecteur qui aura lu la préface saura avant le début du voyage ce qui a motivé ce livre. Je regrette toujours de lire les préfaces, préférant pour ma part entrer dans la brume du projet à tâtons, laissant mon regard s’habituer aux secrets dévoilés par la prose. Des pages bouleversantes qui commencent par « Je suis née d’un homme… » racontent ce père dont on comprend qu’il disparaît. Mais ces pages qui parlent pourtant d’un père particulier nomment aussi le père et chacun y reconnaîtra sans doute une partie de ses racines. « Je me couche sur le sol humide de nos souvenirs », écrit Hélène Dorion. Nos souvenirs ? Des détails comme ceux-ci permettent au lecteur de faire de ce récit le sien, de retrouver les traces de ses propres pertes.
Quand l’écrivaine témoigne des moments où elle aura tenté d’échapper à cette relation, dans la lutte ou dans l’indifférence, on pense à Annie Ernaux et au portrait du père qu’elle a dressé dans La place. « Je ne suis pas celle que mon père attendait », écrit Hélène Dorion.
Dans la dernière partie du livre, « Le feuillage du présent », l’amour se présente. Comme la mort, comme la brume, son arrivée « ne se prévoit pas ». C’est peut-être le thème de l’accueil qui se dégage de cet ouvrage méditatif, d’autant plus que dans ce va-et-vient entre la prose et les photos de l’écrivaine s’ouvrent des fissures, des blancs, où chaque lecteur cherchera sa lumière.
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