Je recherchais une histoire à me faire raconter. Le livre d’Éric-Emmanuel Schmitt annonçait cela et c’est ce que j’ai trouvé.
Ce conte me semble le contraire de la fable « La grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf » : la pauvre se gonflait, se gonflait pour arriver à la taille de l’autre. Elle l’a fait jusqu’à éclater : l’ambition.
Dans Le sumo qui ne pouvait pas grossir, Jun, adolescent de quinze ans, mène une existence d’itinérant à Tokyo. Il ne parle à personne, vend des objets dont il a lui-même honte, se nourrit dans les poubelles, se dit sans famille, sans avenir. Il ne semble plus vouloir exister aux yeux des autres, pas plus qu’il n’a existé à ceux de sa mère et n’existe vraiment à ses propres yeux : aucune ambition.
Un vieux le croise et lui dit qu’il « voit un gros en lui ».
Jun, qui se sait d’une maigreur « proche du dessin, en deux dimensions », déteste ce bonhomme qui lui adresse la parole pour lui faire un commentaire aussi insignifiant.
Le vieux insiste, et répète la même chose à chaque rencontre. Mais pourquoi lui parler de grossir ? Le vieux finit par confier à Jun qu’il est maître de sumo et il lui donne un billet de faveur pour qu’il assiste à un combat. Jun trouve l’idée ridicule, mais il finit par se présenter au combat.
De là, Jun est transporté par le regard admiratif que les spectateurs posent sur les mastodontes de chair qui s’affrontent. Leur perception n’est pas la même que la sienne. Mais il aimerait être regardé de la sorte. Et c’est peut-être ainsi que le vieux le voit, dans une sagesse qui lui échappe.
Il décide donc d’apprendre les rudiments de l’art du sumo.
Ainsi, il en vient à se découvrir un corps, une capacité de méditer, une base de spiritualité, une volonté, une vie dont les vides pourront être comblés, même celui qui habite le ventre de la jolie Reiko à qui il ne voulait pas faire d’enfants.