Beau détachement que celui d’André Major, fait de culture, d’humilité, de serein scepticisme, mais qui ne parvient pas à tarir les merveilleuses colères devant le débraillé journalistique ou les conformismes universitaires et sociaux. André Major prétend avoir renoncé à certains horizons et vouloir ressembler à celui-là qui conquit la toison, mais on préfère ne pas lui prêter foi. Le ton, quand il retournera au combat littéraire ou, à défaut de telles luttes, à de nouveaux carnets, sera autre, mais il n’en sera pas moins nécessaire. Ce demi-pays n’a pas les moyens de se priver d’un tel regard, rasséréné et rendu plus lucide encore par le renoncement à tout ce qui n’est pas écriture. Car le sourire d’André Major, c’est du moins ainsi que je l’imagine, est lui aussi un peu mélancolique, mais à cent lieues du mépris. C’est le sourire d’Anton Tchékov.
Certes, à peine a-t-il terminé ce qu’il croit être son dernier texte, André Major est prompt à éperonner sa Rossinante. Mais qui l’en blâmerait quand on écrit si mal et avec une aussi béate ignorance ? Quand il se trouve des professeurs assez prétentieux pour imposer leurs propres textes à leurs auditoires captifs ? Quand le président de Radio-Canada croit que le prix David est remis à Major pour son beau travail au service de l’auguste maison ? J’hésite à prier André Major de ne pas renoncer prématurément à toute expression littéraire, mais, oui, ces carnets sont admirables.