Un tout petit roman construit comme un scénario de film, habité par une douce tendresse et nourri par une plume aussi sobre qu’élégante. Rien de trop, rien d’appuyé dans Le soleil du lac qui se couche du Manitobain J. R. Léveillé, que vient de rééditer La Peuplade, de Chicoutimi.
Construite autour d’un retour en arrière, l’intrigue est simple : Angèle, une Métisse, se souvient de l’aventure qu’elle a vécue avec un peintre, graveur et poète d’origine japonaise, Ueno Takami. Elle avait 20 ans et étudiait l’architecture, il en avait 64 et allait mourir cette année-là. Le texte est divisé en 164 segments comme autant de scènes. Autour de ces êtres, quelques personnages viennent nourrir le récit : l’imprimeur de Takami, l’ancien amant d’Angèle, la sœur de ce dernier et employée de l’imprimeur, et enfin la sœur et la mère d’Angèle. Des personnages à peine esquissés et pourtant bien campés.
Combien de temps s’est-il écoulé entre le moment où Angèle se décide à décrire cette rencontre dont elle se souvient avec tellement de chaleur qu’on a l’impression qu’elle la revit ? On ne le saura pas et de toute façon le plus important est ce désir du personnage de se replonger avec émotion dans ce qui a été un moment déterminant dans sa vie. Elle s’inspire de la pensée de Takami : « Les souvenirs, disait-il, sont des croches dans la musique des sphères ». Et musique il y a dans la rythmique des phrases et la sonorité des mots : Léveillé est poète et sa prose retient le meilleur de sa poésie. Les moments passés au bord de ce lac sur lequel le soleil se couche, là où Takami a construit sa maison, sont ceux qui révèlent Angèle à elle-même et c’est la mémoire de ces instants qu’elle cherche à préserver.
Entre le roman et le journal intime, Léveillé se joue des conventions, mettant en pratique ce qu’affirme Takami : « La convention est une aseptisation ».