Joseph E. Stiglitz est une vedette des milieux intellectuels. Professeur d’université, auteur prolifique, ex-économiste en chef de la Banque mondiale, Prix Nobel d’économie, l’homme est devenu un monument de la gauche aux États-Unis. Quand il parle, on écoute, et quand il écrit, on lit, attentivement.
Son livre est à la fois dénonciation et proposition. Ferme dénonciation d’un marché libéralisé, sans entraves, qui déboulonne le rêve américain, et proposition en faveur d’un marché plus juste, qui réduit les inégalités plutôt qu’il ne les accroît.
Chiffres à l’appui, Stiglitz dit que les marchés aux États-Unis ne fonctionnent plus : au lieu d’appuyer la croissance d’une classe moyenne, de favoriser les plus démunis et de leur faire raisonnablement espérer s’en sortir, le capitalisme américain actuel est devenu créateur d’inégalités : il ne sert que le haut de la pyramide, le un pour cent de la population, les plus nantis. Pis, la politique américaine aggrave ces inégalités, notamment par le fait que l’État se prive de tempérer les excès de ce marché déficient, et de mieux redistribuer la richesse.
Ces inégalités qui augmentent créent une polarisation de plus en plus manifeste de la société américaine : elles sont même une menace pour la démocratie.
Mais une autre voie est possible : entre autres, beaucoup mieux réguler le marché financier, grand responsable de la crise qui perdure et qui a entraîné des dégâts humains colossaux pour des millions d’Américains ; améliorer la gouvernance d’entreprise et mieux contrôler la rémunération excessive des PDG ; mettre fin aux subventions aux entreprises ; réformer la justice pour la rendre plus accessible ; améliorer l’éducation, car elle favorise l’égalité des chances ; encourager l’épargne ; renforcer les programmes sociaux. Bref, rien là de très original pour les initiés des finances publiques, mais tout de même des mesures fortes, concrètes qui, si elles étaient mises en œuvre, pourraient réanimer un rêve américain présentement durement mis à mal.