Le récit de voyage jouit depuis plusieurs années d’une faveur avérée de la part de la critique littéraire. Pratique permettant à qui s’y consacre la redéfinition de ses points de repère et l’exploration de son identité, il vise à prospecter les limites du monde, de manière à en donner une vision enrichie. Le nouveau récit des frontières dans les Amériques s’intéresse à ces aspects du récit de voyage ainsi qu’au passage des délimitations territoriales. Regroupant des études produites par des chercheurs travaillant dans des domaines divers (littérature, sociologie, psychanalyse), l’ouvrage rend compte de la traversée des frontières telle qu’elle apparaît dans des récits de voyage réel, mais également – et surtout – dans des œuvres de fiction. Autrement dit, les auteurs se questionnent sur les moyens imaginaires ou réels mis en place pour franchir les bornes territoriales et, ce faisant, explorent « la manière par laquelle advient une découverte des ‘autres’, qui se révèle en somme simultanément être une ‘découverte de soi’ ». Les frontières américaines, qui sont en constante redéfinition, figurent ici un matériau approprié pour tenter de comprendre en quoi le récit de voyage constitue un vecteur favorisant le passage d’une altérité génératrice d’antagonismes à l’identité tant recherchée.
Quels écrivains offrent des œuvres propices à cette reconnaissance des frontières ? Les Mexicains (Spota, Fuentes, Solares ) étudiés par Emmanuelle Tremblay donnent à constater l’inanité du rêve d’un Eldorado américain, tandis qu’Antonio D’Alfonso retient l’attention de Simon Harel par son côté d’errant insatiable et que les auteurs amérindiens Bernard Assiniwi et Yves Sioui Durand, en raison de leur rejet du discours officiel, intéressent Hélène Destrempes, pour ne prendre que quelques exemples. Dans la plupart des cas, il s’agit pour les voyageurs de se situer par rapport à l’établissement de nouvelles frontières, forcé par l’abolition des bornes économiques traditionnelles. L’ouvrage, tablant sur toutes sortes d’options qui, si elles ne peuvent prétendre à l’exclusivité, présentent un portrait d’ensemble réussi de la situation, évoque des questionnements qui incitent le lecteur à s’interroger sur sa propre situation identitaire.