Le plus admirable dans cette traduction qu’offre Pierre Anctil d’un livre rédigé il y a près de quarante ans par le journaliste Israël Medresh, c’est la discrétion avec laquelle le traducteur l’insère dans une œuvre aussi originale que colossale. Pour rendre justice à Anctil et mieux apprécier l’éclairage unique qu’il projette sur les relations entre les communautés juives du Québec et l’histoire québécoise, il faudrait, en effet, au moins évoquer maintes œuvres du même travailleur intellectuel : Tur Malka, Juifs et Canadiens français dans la société québécoise, Le devoir, Les Juifs et l’immigration… Si l’historien et sociologue Gérard Bouchard peut aujourd’hui nuancer efficacement plusieurs des jugements fracassants que l’on répète à propos des juifs, il le doit en partie, et il a assez d’élégance pour le reconnaître, à la patience d’Anctil.
Cela dit, cet ouvrage-ci présente un charme particulier. Israël Medresh s’exprime en militant sioniste, mais sa discipline de journaliste, s’il est vrai que telle chose ait déjà existé, l’incite à ne pas confondre faits et convictions personnelles. Il insiste sur le rôle plutôt honteux d’un Adrien Arcand, mais réhabilite presque sans s’en apercevoir un Henri Bourassa et, plus encore, un Olivar Asselin. On apprendra ainsi, avec un sourire, que le Monument national, château-fort de la très nationaliste Société Sainte-Jean-Baptiste, était le lieu où le théâtre juif présentait régulièrement ses pièces. Notons-le.