C’est presque un parcours initiatique que nous raconte ici l’autrice en nous relatant – sur plus de 60 ans – l’histoire de Jérôme, le petit gars de la Gaspésie qui se fait prêtre, un peu parce que ça l’intéresse et beaucoup pour faire la fierté de ses parents et ne pas décevoir son curé.
Devenu curé lui-même, il déchantera devant ses multiples responsabilités, qui ne correspondent pas à sa personnalité. Et c’est ainsi qu’au mitan de la vie, il décide d’écouter davantage ses prédispositions intellectuelles en s’inscrivant à l’université.
Sauf que la Faculté de théologie de l’Université de Montréal des années 1990, ce n’est pas le Grand Séminaire des années 1970… On y étudie le « Jésus historique », souvent au mépris des dogmes empoussiérés. D’où divers coups de boutoir dans la foi du prêtre, par ailleurs déjà ébranlée. Précisons par exemple que l’appel de la chair aura fait son œuvre entre-temps, notamment avec deux femmes avec qui il se sera permis des idylles rassérénantes. Sans remords, car la chasteté est une lubie de l’Église. « La pulsion sexuelle est d’une force telle que la réprimer de façon catégorique et sans concession – surtout pour un homme – risque de causer plus de tort que de bien à celui qui tente de l’étouffer. »
Dans ce roman qui se lit d’une traite malgré un style plutôt convenu, Odette Mainville dépeint de touchants déchirements tout en livrant diverses réflexions théologiques ancrées dans la sensibilité contemporaine. Avec au bout du compte cette question troublante : serait-il possible que l’Église ait trahi son fondateur ? « L’Église a rétabli un système analogue à celui que Jésus a décrié avec véhémence. » Tant et si bien qu’au soir de sa vie, Jérôme se voit confronté à un dilemme qu’il n’aurait jamais pu imaginer du temps de ses primes études : choisir entre l’Église et Jésus.
On aura compris que cette charge contre l’Église n’en est pas une contre le christianisme. Au contraire : l’autrice, elle-même théologienne, illustre habilement comment la spiritualité chrétienne peut être encore pertinente, notamment dans ce passage où une des agentes de pastorale relate comment elle a amené un vieux déplaisant à l’hospice à « se confesser ». En fait, n’étant pas prêtre, elle n’est pas habilitée à donner l’absolution. Elle commence simplement par écouter avec empathie le vieux grincheux que personne ne peut supporter, puis elle l’invite doucement à s’ouvrir en lui manifestant une présence sincère qui amène le moribond à raconter, à reconnaître et à regretter tout naturellement les nombreux mauvais coups de sa vie, puis à passer à l’acte difficile d’accepter d’être pardonné pour enfin mourir en paix. Résultat : exit le mot « confession », mais resurrexit le sens profond de cette démarche.
On pourrait presque en conclure que les femmes feraient de meilleurs prêtres que les hommes…