La récente réédition de L’ange de pierre ravit les lecteurs et provoque simultanément un certain étonnement. Comment un roman d’une écriture aussi moderne, bien que paru en 1964, a-t-il pu échapper si longtemps aux mordus de littérature ? Pourquoi le Québec d’alors n’a-t-il pas reconnu ce chef-d’œuvre, anglo-canadien certes, mais d’une telle puissance ? Dans quel riche monde intérieur Margaret Laurence, alors âgée de 38 ans, a-t-elle puisé sa fine connaissance des vieillards ?
De descendance irlando-écossaise, l’écrivaine canadienne connue et lue mondialement est née au Manitoba en 1926. Laurence se suicide en 1987, à l’annonce d’un cancer en phase terminale.
L’ange de pierre est la plus achevée des cinq œuvres indépendantes du Cycle de Manawaka, dont l’auteure situe l’action dans un village imaginaire, similaire à son Neepawa natal. « Du temps où ces prairies escarpées n’étaient parcourues que par des Cree aux visages mystérieux et aux cheveux calamistrés. »
Dans de vastes paysages de fin du monde, puis au bord de la mer où elle ira finir ses jours, l’étonnante chipie Hagar Shipley continue sa lutte pour son autonomie et son indépendance de cœur, de corps et d’esprit. La vieille dame de 90 ans raconte la solitude et la frustration de celles qui se tiennent debout, affrontant les mentalités étriquées des petites localités reculées. « Comment se fait-il que toutes ces années j’ai cru que viol signifiait seulement attaque contre chair ? »
Magnifique personnage féminin et féministe avant l’heure, la lucide et impertinente Hagar voyage dans le temps et l’espace vers l’acceptation, l’amour et la liberté. L’écrivaine Marie-Hélène Poitras résume avec tendresse dès les premières pages du livre « l’empathie que l’on se surprend à éprouver envers cette Tatie Danielle ».
Si elles s’étaient rencontrées, quelles histoires ne se seraient-elles pas racontées, ces légendaires héroïnes des Prairies, Hagar Shipley et le personnage de Gabrielle Roy, Luzina Tousignant, une autre Manitobaine, en compagnie de la mère de Michel Tremblay et personnage de son œuvre, Rhéauna Rathier, l’attachante Nana de Sainte-Maria-de-Saskatchewan !