Fasciné par Walt Whitman au point d’avoir ratissé sa vie et ses livres à la virgule près, un écrivain français entreprend un périple de deux mois dans la réserve ornithologique de Peconic Bay, le lieu même qui avait vu naître, près de deux cents ans auparavant, l’auteur des Feuilles d’herbe. De ces longues journées de contemplation naîtront un récit fameux parce qu’écrit sur le mode de la rêverie, où chaque observation fait émerger son essaim de réminiscences en même temps que les vers de Walt Whitman, tous liés, chez Frédéric Jacques Temple, au moment crucial de l’éveil poétique.
Le chant des limules se veut donc une incursion dans l’univers foisonnant du poète naturaliste, lui-même défenseur d’une pratique littéraire hybride qu’on pose ici comme l’un des parcours privilégiés de l’accomplissement créatif. La marche en montagne, sur les rives de la mer, les randonnées au cœur de la forêt, sont décrites comme autant de jalons concourant à l’élaboration d’un livre : l’écoute de la nature trouvant son écho dans l’écriture. À l’instar de Walt Whitman, ce « premier aborigène blanc », Frédéric Jacques Temple erre, s’abandonne à la beauté dépouillée du large, traquant les musiques rares qu’on ne croise que « [d]ans le silence, l’ombre et l’odeur délicieuse de l’heure (ce parfum naturel qui appartient à la nuit seule) ». Comme un fil tendu entre cette « enfance qui n’en finit pas de mûrir » et l’inaltérable désir d’émerveillement qui anime le poète, ce récit sonde les eaux peu profondes, montrant bien que l’essence terrestre, comme l’acte créateur, peut aussi naître dans la boue et le sable.