Marie-Francine Hébert est l’une des écrivaines les plus reconnues au Québec en littérature jeunesse. En 2003, elle en a ému plus d’un avec son album paru aux éditions Les 400 coups, Nul poisson où aller. Heureusement pour le lecteur, elle a trouvé son second souffle dans la littérature pour adultes avec ce premier roman à l’arrière-plan autobiographique, L’âme du fusil. Marie-France Hébert renouvelle les thèmes de la guerre et de l’amour, auxquels on ne s’habitue jamais, avec le sceau de l’empathie, avec toute la détresse et tout le bouleversement qui s’en dégagent. Cette lecture pour le moins troublante par la plausibilité des atrocités tout droit sorties de l’actualité vous mènera vers le même sentiment d’impuissance que celui ressenti lors du visionnement du film Un dimanche à Kigali, de Robert Favreau, qui a pris l’affiche en 2006.
C’est devant l’absurdité de la guerre et l’affliction que les personnages de L’âme du fusil se raccrochent à des babioles, symboles d’espérances ou souvenirs des êtres aimés disparus. Un soulier, un oiseau, un poisson, une roche, une horloge, un cahier, un bateau, un crayon : tous ces objets banals tissent un lien solidaire entre les nombreux affligés et poétisent le récit taché de rouge. Aussi, l’écrivaine décrit l’indescriptible avec la simplicité violente, la culpabilité innocente de celle qui apaise les yeux compatissants et impuissants d’un témoin : « À la guerre, on en vient tous à tuer. Soi-même en particulier. Les témoins ne s’en sortent pas nécessairement indemnes ».
Avec brio, Marie-Francine Hébert met en scène une écrivaine qui tente de retrouver ses personnages, deux amoureux maintenant ennemis de guerre, afin qu’ils se réunissent et vivent l’histoire d’amour qu’elle avait commencé à écrire avant les événements tragiques. Butée contre les horreurs auxquelles elle fait face, l’auteure voit son histoire prendre une toute nouvelle tournure lorsqu’elle s’aperçoit du vide énorme qui remplit maintenant le cœur de ses personnages. La femme est constamment assaillie par les conflits intérieurs que provoque la guerre : le rôle de la mère envers sa fille ainsi que celui de l’écrivaine envers ses personnages se chevauchent jusqu’à ce que la ligne soit très mince entre la réalité et la fiction.
Vous détesterez aimer ce roman où des images saisissantes restent implantées dans votre esprit et où des mots vous berceront autant dans ce qui se fait de plus beau que dans de ce qui se fait de plus laid chez l’Homme.