Quand la science dit bonjour aux Pères du désert.
Psychanalyste, anciennement interne des hôpitaux de Paris et diplômé de l’Institut Pasteur, Jean-Guilhem Xerri s’intéresse à l’âme. On le sait, la santé dépasse la simple physiologie : l’état d’esprit en est aussi à la fois une dimension essentielle et un facteur déterminant.
Au fil de sa vie de « coach », l’auteur a pu réfléchir aux différentes expériences humaines qui correspondent à cette quête de bien-être, sinon à la santé spirituelle. Il a constaté que la science contemporaine (psychologie, neurologie) apporte beaucoup de réponses, mais aussi que celles-ci font souvent écho à des constats qui ont été énoncés plusieurs siècles auparavant par ceux qu’on a appelés les « Pères du désert ». Ce livre fait le pont entre les deux.
Qu’est-ce que la santé spirituelle ? Pour Xerri, il s’agit de toucher le « mode profond ». Ce « mode profond » n’a rien d’ésotérique : « […] je suis convaincu que le ‘mode profond’ est accessible dans le quotidien, sans grands changements si ce n’est celui de la focale de votre attention intérieure ; il est là, mais nous regardons parfois trop près ou trop loin ».
Le livre est donc constitué d’une trentaine de chapitres traitant de choses simples qu’on vit au quotidien (imaginer, manger, avoir peur, s’épuiser, admirer, ne rien faire, s’aimer, vivre au présent, rire, refuser…). Chaque thème est traité en deux temps : le regard de la science, puis celui d’auteurs chrétiens anciens. Les deux disent souvent la même chose quoiqu’en termes différents. Si le langage scientifique a plus de crédibilité à nos yeux, le langage des anciens, dans sa simplicité, peut être plus parlant pour l’âme.
Par exemple, que dit la science au sujet de l’attention ? « Il est démontré que l’hyper-sollicitation de l’attention active les réseaux neuronaux dopaminergiques du noyau acumens, impliqués dans le désir, le plaisir et l’envie. » On sait maintenant que les GAFAM (Google et Facebook en particulier) déploient des trésors de ressources à la fine pointe des connaissances pour capter cette attention. C’est ainsi que « nous sommes des victimes consentantes d’un véritable hold-up de nos capacités attentionnelles. Pourtant, l’attention est une faculté spirituelle de premier ordre ». L’auteur signale en effet que « les Pères du désert considèrent l’attention à soi [comme] plus importante que la connaissance de soi. […] Basile de Césarée, un des grands spécialistes de l’attention, affirmait, bien avant les découvertes des neurosciences, que ‘l’attention est aux êtres raisonnables ce que l’instinct est aux animaux’ ». L’auteur conclut : « L’enjeu fondamental pour une vie profonde est de reprendre résolument le contrôle de notre attention ». Des contemporains comme Jon Kabat-Zinn et Eckhart Tolle ne disent pas autre chose.
Quant à la nourriture – pour prendre cet autre exemple –, nul besoin de rappeler ici tous les préceptes scientifiques dont nous sommes bombardés tous les jours. Évidemment, le monde antique ne pouvait pas décortiquer avec autant de précision que le nôtre les effets du sucre, du gras et du sel sur nos organismes. Il n’empêche que « sans le savoir, la tradition chrétienne des premiers siècles suivait les recommandations nutritionnelles actuelles : pas de grignotage entre les repas et un volume mesuré et adapté à l’état de santé et aux tâches à accomplir. En termes de régime, de la viande en petite quantité, beaucoup de fruits et de légumes crus et cuits, des olives, du fromage, de l’huile et des féculents ».
Les chapitres sont courts ; il ne s’agit pas tant pour l’auteur de nous remplir de connaissances que de mettre en marche notre réflexion pour nous inviter à nous tourner vers ce « mode profond », concept par concept. Il précise que « rien n’est a priori et définitivement soit pas spirituel, soit spirituel. Ce qui est spirituel ou pas, c’est ma manière d’habiter ma vie, en mode profond ou pas ». Le lecteur qui est tenté d’entrer en contact avec cette dimension de l’existence et de la cultiver aura entre les mains un bon manuel pour ce faire.