Ce premier roman de la Torontoise Gil Adamson la place d’emblée parmi les auteurs à surveiller. Si les termes les plus élogieux rendent justice à La veuve ‘ livre « remarquable » selon Michael Ondaatje, « superbe » selon Jim Harrison ‘, sa trame générale semble pourtant relever de la gageure : ce n’est effectivement pas tous les jours qu’on peut lire un western féminin. Avec un texte aussi irrésistible que celui d’Adamson, on souhaiterait qu’il en fût autrement.
La chasse à l’homme (ou plutôt, à la femme) que raconte La veuve nous transporte dans l’Ouest canadien en 1903, à l’époque où un terrible glissement de terrain a presque anéanti la petite communauté minière de Frank (Alberta), dans le pas du Nid-de-Corbeau, à l’extrémité sud des Rocheuses. À dix-neuf ans, Mary Boulton, alias « la veuve », est une femme traquée. Après avoir abattu son mari pour des motifs que le texte tarde à élucider, elle est poursuivie par deux géants roux, Jude et Julian, les frères du mort, qui jurent e la voir pendue. La fuite de la jeune femme entraîne la rencontre de plusieurs personnages secondaires, une composante du livre que l’auteure a particulièrement soignée. De William Moreland, le « coureur des crêtes », au révérend Bonnycastle, pasteur pugiliste, la romancière a donné vie à d’attachants lascars. La force du roman tient aussi au travail sur la trame historique, précise, imagée mais jamais lourde, de même que sur la « folie » de la meurtrière, en proie à des hallucinations.
Manifestement, l’atmosphère du « far-west » canadien plaît à l’auteure, car c’était déjà l’atmosphère émanant d’Ashland (2003), recueil de poèmes en prose non traduit en français. S’inspirant notamment de Ron Hansen (L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, 1883) et de Michael Lesy (Wisconsin Death Trip, 1973), La veuve est un magnifique roman.