Depuis quelques années, l’œuvre critique de Louis Dantin (pseudonyme d’Eugène Seers) refait surface : en 1997, d’abord, dans la collection « Bibliothèque du Nouveau Monde », Réjean Robidoux a procédé à la réédition d’Émile Nelligan et son œuvre (1903) ; et, depuis 2003, grâce cette fois aux travaux d’Yvette Francoli, logent à la même enseigne deux tomes d’Essais critiquesréunissant les quatre recueils d’articles que Louis Dantin a fait paraître entre 1928 et 1935. Aujourd’hui, c’est le poète qui est soumis au public lecteur dans une courte anthologie présentée (assez bizarrement, me semble-t-il) par François Hébert : elle s’ajoute à celle d’Éric Roberge, publiée en 2000 aux Écrits des Forges.
On (re)découvrira aux Herbes rouges un écrivain pratiquant la prosodie traditionnelle et traitant essentiellement un double sujet, religieux et amoureux, voire érotique, sur lequel il mène une réflexion de type existentiel. Sur un ton tantôt léger, tantôt sérieux (tragique même), et dans une langue relevée ou populaire (à la façon du poète-pharmacien Jean Narrache), les vers de Louis Dantin traduisent le questionnement perpétuel d’une âme en quête d’idéal et de vérité, aux prises en même temps avec les exigences très prosaïques de la nature humaine en général et l’attrait sexuel de la femme en particulier : ici l’auteur ne recule pas devant un vocabulaire « osé », sans détour, et l’on comprend pourquoi des pièces comme « Chanson intellectuelle » ont été refusées par l’éditeur Albert Lévesque pour Le coffret de Crusoé, en 1932.
Les textes choisis par François Hébert donnent dans l’ensemble une image assez fidèle de la poésie de Louis Dantin, qui emprunte les voies de la légende, de la fable, de la chanson et de la complainte. Un florilège plus abondant aurait pu inclure des poèmes de circonstance, des vers d’album, des acrostiches, des poèmes inspirés de l’anglais, des litanies… Du susdit Coffret de Crusoé et des Poèmes d’outre-tombe (posthume,1962), d’où proviennent respectivement sept et quatre des douze pièces du recueil, on aurait pu retenir également de méritoires textes comme « Mosaïque ancienne », « Sympathie astrale », « À une belle masseuse » et « Les Trente deniers ». Et la « Chanson citadine », refusée elle aussi en 1932, aurait pu ici le disputer avec succès à la peu subtile « Chanson-nature ». Mais aucune anthologie ne fera jamais l’unanimité, c’est bien connu. Espérons par ailleurs qu’une édition critique des poésies de Louis Dantin sera un jour disponible, ne serait-ce que pour expliquer les nombreuses variantes de « L’Hostie du maléfice ».