Deuxième volet de La diaspora des Desrosiers, La traversée de la ville met principalement en scène Rhéauna, sa mère Maria et ses tantes Teena et Tititte. À peine évoqué dans La traversée du continent, l’exil de Maria prend forme ici puisque le roman s’ouvre sur son départ de Providence. Enceinte pour la quatrième fois, Maria tergiverse un court moment : gardera-t-elle cet enfant non désiré ou ira-t-elle chez la faiseuse d’anges ? Sa décision prise, elle rentre au pays, renoue avec ses frère et sœurs qui habitent désormais Montréal. Dix des onze chapitres alternent entre octobre 1912 et août 1914 : ils racontent l’arrivée à Montréal de Maria, et le début de la vie citadine de Rhéauna.
Après un an de vie à Montréal, taraudée par la peur et la nostalgie, Rhéauna rêve son retour à Maria. Sur un coup de tête, elle casse son cochon et entreprend, seule, son premier grand périple à travers la ville. Même si elle sait son projet voué à l’échec, elle préfère faire « comme si » : « […] l’idée de la guerre qui s’approche peut-être à grands pas la fait frémir. Elle pense à la maison de ses grands-parents, si loin et si protégée de tout danger, à ses sœurs dont elle se meurt d’entendre les rires et les cris d’excitation quand elles vont les voir arriver, elle, son frère, leur mère, et se redresse sur son banc. Une illusion. C’est vrai que ce n’est qu’une illusion. Mais une belle illusion. Et elle doit la suivre jusqu’au bout ».
Le parcours initiatique amorcé dans le premier volet de La diaspora des Desrosiers se poursuit. Au fil des rues, Rhéauna, onze ans, perce quelques mystères : traverser seule une grande rue achalandée en évitant d’être frappée par les « machines », le décevant lieu de travail de sa mère, une malencontreuse aventure chez Dupuis Frères, un bar de danseuses jusqu’à la gare Windsor où un guichetier la ramène à la réalité avec une franchise brutale.
C’est une tournée du monde de l’enfance, avec ses rêves et ses peurs, que l’on entreprend en ouvrant le dernier Michel Tremblay. C’est aussi un siècle revisité via le retour à l’imaginaire de l’auteur, aux thèmes dominants de son œuvre et, surtout, à son incomparable talent de conteur.