Tôt dans sa carrière, Sylvie Drapeau s’est taillé une solide réputation de comédienne extrêmement talentueuse, tant sur les planches qu’à l’écran. Plus récemment, elle a ajouté une autre corde à son arc en devenant écrivaine.
Malgré une plus courte expérience dans ce domaine, il faut reconnaître qu’elle s’y révèle tout aussi douée.
Au vu du résultat, il apparaît que Sylvie Drapeau polit chacune de ses phrases jusqu’à la perfection. Et c’est ce qu’elle a encore si bien réussi dans La terre, ouvrage qui achève une tétralogie comptant déjà Le fleuve, Le ciel et L’enfer. Ces quatre plaquettes, brèves mais denses en émotions, sont qualifiées de « romans ». On devine pourtant qu’il s’agit plutôt de récits autobiographiques. L’écrivaine y met en scène « la meute », le groupe des sœurs et frères constituant sa famille. Et à découvrir leur histoire, on réalise combien l’existence de l’auteure et des siens a été marquée par les drames. Il y a eu, d’abord, la mort par noyade de son frère Roch, suivie par le décès soudain de sa mère, puis de la dérive de l’autre frère, Richard, qui lui fera perdre la raison et, finalement, la vie.
Dans La terre, c’est au tour de Suzanne de prendre le devant de la scène, puisqu’est venu pour elle le moment de franchir le pont vers l’au-delà. Cette sœur pourtant si forte, ex-professeure d’autodéfense et rénovatrice active de maisons. Celle qu’on croyait indestructible. Il a suffi d’une rupture mal acceptée et d’un accident de la route pour faire basculer son existence de la force vers la vulnérabilité.
Au même moment où Suzanne se bat pour son existence, la narratrice doit aussi affronter ses démons, qui se manifestent sous forme de graves crises d’anxiété. Des crises qui minent considérablement son énergie et l’empêchent parfois de réagir adéquatement aux événements. Cependant, l’auteure trouve encore ici le moyen, ou peut-être plus exactement la force, de clore son récit sur un ton d’apaisement et d’espoir.
Quel bonheur de lire Sylvie Drapeau ! Son écriture est un merveilleux concentré d’émotions à fleur de peau s’adressant directement à l’âme de ses lectrices et lecteurs. Son talent d’actrice contribue sans doute pour une bonne part à cette réussite.