La Loi protégeant la province contre la propagande communiste est sanctionnée le 24 mars 1937. Cette loi spéciale donne au procureur général du Québec – l’honorable Maurice Duplessis – le droit d’interdire toute publication au service de la diffusion d’idées bolchéviques, ainsi que de mettre sous clés un établissement soupçonné d’abriter des réunions communistes.Mieux connue sous l’appellation Loi du cadenas, cette mesure constitue l’un des jalons de l’anticommunisme québécois, de cette peur rouge bien réelle dont Hugues Théorêt nous dit, moult citations à l’appui, le caractère largement fantasmé de ses motivations, vu le nombre limité de sympathisants à la cause communiste dans la province. La crainte tiendrait plutôt de l’épouvantail érigé par des gardiens de la foi soucieux de préserver leur contrôle sur une population exposée à la menace du matérialisme impie.Aux yeux du clergé en effet, les communistes inquiètent d’autant plus qu’ils remettent farouchement en question la hiérarchie des classes. Dès lors, l’Église, par le truchement de nombreux organes passés en revue par Théorêt, entame une campagne de propagande misant sur la terreur : « Déguenillés, amaigris, les yeux hagards », rapporte l’abbé Georges Gauthier, « les enfants russes s’en vont à travers les campagnes, exposés au froid, à la chaleur, à la pluie ou à la neige. […] Ils vivent comme ils peuvent des bénéfices du vol ou des produits du vice ». Les portraits proposés sont uniment bicolores.D’autres événements alimentent la paranoïa. En même temps que le maccarthysme déploie ses tentacules au Sud, l’affaire Gouzenko perce à jour un réseau d’espionnage canadien à la solde des Soviétiques. Dans le sillage, Fred Rose, député fédéral, est condamné à l’exil. Malgré cela, le feu de l’anticommunisme s’éteint lentement. Après la mort de Duplessis en 1959, rares sont ceux qui soufflent sur les braises d’une idéologie étouffée par l’émergence d’une gauche catholique inspirée du courant personnaliste français. L’Action nationale s’y consacre un temps, loin d’en faire son cheval de bataille. Par ailleurs, la mainmise de l’Église sur la politique s’effrite et de nouveaux défis se posent à la société québécoise. Le nationalisme, le bilinguisme et le féminisme relèguent enfin à l’arrière-plan des enjeux sociopolitiques ce péril rouge qui n’est déjà plus qu’un fantôme pâlissant.
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