C’est un véritable bijou d’écriture que ce petit roman (il fait 133 pages) de Patrick Nicol, qui signe avec La notaire son cinquième livre de fiction. Nicol fait le récit d’un quadragénaire tout juste sorti d’une séparation, qui emménage dans une maison de son quartier natal où des photos de lui, enfant, le plongent dans un bain de souvenirs. Exception masculine dans un univers de femmes, ce fils sans père est aussi un homme qui s’est fait lui-même, mais qui ne s’est pas terminé, car bon nombre des gestes quotidiens propres aux hommes, tels planter un clou ou manier une scie, lui demeurent complètement étrangers. Le récit nous montre cet homme louvoyant entre Marie, son ex, et la notaire, cette trentenaire aux cheveux noirs, aux yeux vifs et aux grands appétits lubriques.
Récit à la fois sobre et intense, La notaire nous entraîne dans un univers narratif où le halo de mystère nous semble d’abord d’un type familier, le roman de l’enquête intérieure et de la remémoration ayant donné lieu à de multiples variations depuis Proust. Pourtant, d’un chapitre à l’autre, l’auteur sherbrookois brouille les cartes et change subtilement de direction, comme afin de nous rappeler que c’est lui qui tient les fils de son intrigue. De l’évocation d’une enfance québécoise au tournant des années 1970 jusqu’à l’affirmation d’une sexualité de plus en plus synonyme d’éloignement entre les partenaires, La notaire est rempli d’images percutantes, dont certaines donnent lieu à un rapprochement inusité entre le sperme et les actes notariés. Patrick Nicol a reçu deux fois le Grand Prix littéraire de la Ville de Sherbrooke et remporté le prix Alfred-Desrochers ; La notaire risque fort d’attirer l’attention des jurys littéraires.