Quel roman ! Complet, architecturé, enveloppant, dérangeant. Je comprends maintenant les critiques élogieuses.
Le premier récit d’une auteure jusque-là inconnue mérite ces compliments et même plus. Mais au-delà du phénomène littéraire (le livre est un best-seller aux États-Unis), ce qui marque, c’est la singularité de l’intrigue, le rendu des phrases et des situations de confidence et d’horreurs. Alice Sebold parvient à s’immiscer dans l’univers des fillettes, des premiers émois, autant que dans celui des anges au paradis, des tueurs en série, des couples en dérive, du quotidien lent et pluvieux, des morts bien vivants, des regrets. Rien n’y est insignifiant ou vain.
L’histoire d’une petite fille morte violée et assassinée ne sombre pas dans le drame pompeux et sinistre. Au contraire, elle ouvre . les portes du paradis. Alice Sebold ne s’adonne pas – ce qui pourrait être facile – au sentiment de vulnérabilité, de victimisation. Elle aurait pu, et cela aurait été amplement suffisant, entrer dans la peau de cette fillette dont la vie fut fauchée trop tôt et rendre au lecteur tout le pitoyable et la sombre grandeur de la condition humaine. L’auteure a choisi de naviguer dans l’inconnu et de décrire une aventure hors du commun, hors norme littéralement dans la mesure où cela se passe dans trois univers différents : la terre, le ciel et l’entre-deux. Et de poser cette question : quand convient-il de laisser aller non seulement les morts mais aussi les vivants pour apprendre à accepter l’évidence ?
C’est un livre plein d’espoir, sur les liens indéfectibles qui unissent les morts et les vivants et sur la capacité de l’être humain à continuer sa vie malgré tout.
Au-delà de la souffrance, La nostalgie de l’ange raconte aussi et surtout le pardon, la renaissance et la vie. En somme, Alice Sebold a l’étonnante capacité de nous offrir le pouvoir apaisant de la douleur.