Projection à peine futuriste d’un présent déjà scruté par l’œil de la webcam, ce techno-roman court mais dense narre une étrange et tragique confession virtuelle (et de ce fait publique) : celle de Hermany, pauvre progéniture issue de l’entêtement névrotique d’une mère voulant à tout prix un enfant. Et ce coût sera élevé, conséquence d’une certaine technologie d’assistance à la reproduction ! Hermany naît, paré(e) d’inconvenantes grâces : hermaphrodite aux sens hypertrophiés, nimbé(e) d’une beauté irréelle, ce « phénomène », cloîtré à l’hôpital et vite utilisé à toutes fins (ça s’est vu : souvenez-vous de nos malheureuses quintuplées), s’enfonce toujours plus seul dans une apocalyptique célébrité.
L’enfant n’aura d’autre choix, pour naître à lui/elle-même, que de saboter ses particularités une à une par l’entremise de la maladie : cancers et infections le/la délesteront de ses attributs, faisant passer Hermany de divinité bisexuée à carcasse asexuée.
Surgit alors un sauveteur, Nay, « entité énergétique » et psychothérapeute de son état, avec lequel Hermany entre en symbiose existentielle. La créature qui se sent enfin devenir un être humain appuiera les thèses psychédéliques de son mentor jusqu’à la déraison d’un acte criminel par lequel le/la disciple s’émancipera totalement… et se retrouvera emprisonné(e). Hermany renouera avec la célébrité forcée, le temps de livrer son témoignage sur Internet pour le bénéfice des millions de voyeurs devenus ses jurés.
La structure narrative de Karoline Georges, plutôt linéaire, fait intervenir un webmestre virtuel en caractères gras (on imagine la voix basse et caverneuse) pour orienter le lecteur, égarant Hermany dans la description d’euphories fort illégales durant près d’un tiers du roman qui souffre ainsi de mal assurer ces promesses de roman technologique. Il aurait fallu une composition plus éclatée et des propos moins attendus pour servir cette douloureuse histoire.