« Une tragédie pareille, ce n’est pas possible, ma belle », déclare Laura Rivera dès qu’on entre dans ce roman mené, de la première à la dernière ligne, par les confidences de cette unique narratrice. Ces confidences ne sont-elles pas plutôt des ragots ou même des parcelles de témoignages ? Y a-t-il vraiment une interlocutrice ou s’agit-il d’un soliloque un peu paranoïaque ?
Bien que l’assassin d’Olga María soit rapidement retrouvé, l’enquête s’enlise néanmoins devant le mutisme du meurtrier. Pourquoi a-t-il tiré à bout portant sur cette jeune femme devant ses deux filles ? Pourquoi les a-t-il épargnées ? Qui a réellement été l’amant d’Olga María : d’El Yuca, candidat à la présidence, qu’on soupçonne de brasser des affaires d’or avec les narcotrafiquants ? L’associé de son mari dans leur prestigieuse agence de publicité ? L’ex-mari de Laura, le richissime financier dont la banque est au bord de la faillite ? Et qui a pu commanditer ce crime ?
Tandis que l’inspecteur de police piétine, que le détective privé engagé par la sœur d’Olga María fouille dans le passé trouble de cette femme de la bonne société salvadorienne et qu’une jeune journaliste ambitieuse mène sa propre enquête sur les liens entre la victime, le milieu politique et celui des trafiquants de drogues, la narratrice s’indigne et sent la peur monter. Car le tueur, jure-t-elle, rôde autour d’elle
À travers les drames de ces principaux personnages – Laura et Olga María -, Horacio Castellanos Moya raconte aussi et surtout la tragédie de ce petit pays d’Amérique centrale, disloqué par une guerre civile, le trafic de drogues, l’écart prodigieux entre une minorité bourgeoise blanche et une majorité d’Amérindiens pauvres et méprisés, l’ingérence américaine dessinée en filigrane, et la corruption. Comment, dès lors, parvenir à établir la vérité dans une telle société ? Une situation symbolisée par les méandres d’un monologue – écrit avec une superbe maîtrise par Castellanos Moya – dont le lecteur hésitera même à reconnaître la véracité