La réflexion de Jean-Yves Mollier s’amorce sous la forme d’une interrogation : assiste-t-on, au XIXe siècle, à l’avènement d’une littérature industrielle ou populaire ? Pour y répondre, Mollier examine les rapports complexes entre l’industrie naissante de l’édition et les écrivains, en lien avec le public ainsi qu’avec l’État dont le contrôle demeure constant. S’il est avéré que les milieux populaires accèdent en plus grand nombre à la lecture, au cours du XIXe siècle, il reste à examiner le contenu de l’hypothétique « bibliothèque du peuple ». L’auteur a choisi de s’intéresser aux feuilletons parus dans la presse, aux romans populaires et aux manuels scolaires, véritables best-sellers de l’époque. On y découvre notamment comment l’esprit nationaliste et revanchard, qui prévaut largement après la défaite de 1870, se manifeste dans les livres destinés aux écoliers. D’une manière plus générale, il ressort de ces études que la lecture, même lorsqu’elle est considérée comme un bienfait, n’en demeure par moins perçue comme une activité à surveiller et à encadrer.
L’éducation obligatoire et le positivisme triomphant invitent un certain nombre d’auteurs à élaborer des encyclopédies et des dictionnaires, inspirés par le modèle de Diderot et D’Alembert. Cette volonté de rassembler, classer et transmettre des connaissances inspirera des tentatives audacieuses, dont la plus célèbre est sans doute celle de Pierre Larousse.
La dernière partie de l’ouvrage de Mollier est consacrée à l’analyse des liens entre culture médiatique et culture de masse. Cette section, peut-être une des plus intéressantes de l’ouvrage, met en lumière le rôle de la « presse du trottoir » dans la diffusion des idées, notamment dans le cadre de l’Affaire Dreyfus. Édifiant.