Beau petit livre charnel et pudique, La Juive transmet tout sans rien déflorer. Des jeunes que toutes les catégories ethniques et religieuses devraient éloigner se rapprochent dans la fébrilité de l’âge et du sport, se séduisent en faisant semblant de se concurrencer, ignorent avec le mépris dont on rêve les conventions, les cloisons, les ghettos. Peu importe les interdits religieux ou familiaux. Sous un soleil qui épanouit les maturités tôt dans la trajectoire humaine, deux êtres également attachants et passionnés s’aventurent jusqu’à l’amour sans douter de leur bon droit. D’ailleurs, une fois l’enfant annoncé, même des parents séparés par des croyances opposées préparent l’accueil d’un même cœur. François Canniccioni, qui a vécu cette époque et ce lieu, raconte sobrement et avec d’autant plus de crédibilité.
Le drame, ce sera le nazisme qui intervient dans cette pacifique Tunisie, impose ses propres interdits, introduit sa casuistique répugnante dans les statuts raciaux, brise les liens entre la mère et son enfant. La suite, ce sera la quête enfiévrée et interminable d’un père pour redonner des contours aux deux vies qui lui ont été enlevées. Cette quête doit tout à l’amour et à l’attachement paternel, strictement rien à une salissante culpabilité.
François Canniccioni excelle à exprimer sans emphase une admirable tolérance et à laisser dans une certaine imprécision les détails qui ont pu s’estomper et qui, de toutes manières, ne modifient pas l’essentiel. Le calcul qui a conduit à ne pas tenir compte des conseils de prudence venus d’un ami allemand était-il juste ? Peut-être pas, mais les sentiments, eux, résistent à toutes les épreuves. Même à celle du temps. Rare et bel exemple d’une opération retrouvailles menée de bout en bout par le père.