Jean Ziegler est membre du comité consultatif du Conseil des droits de l’homme des Nations unies et a été rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation auprès de l’ONU, de 2001 à 2008. Son expérience lui a donné maintes occasions de constater l’hostilité et même la haine manifestées envers l’Occident par les peuples du Sud. Cette haine est telle qu’elle peut mener à des gestes aussi monstrueux que les attentats du 11 septembre 2001. Elle peut également paralyser le fonctionnement des Nations unies et permettre la prolongation de situations destructrices. Ainsi, en octobre 2006, le Conseil de sécurité projetait l’envoi de Casques bleus au Darfour, qui auraient été chargés de mettre un terme au massacre des populations africaines. Des gouvernements du Sud s’y étant opposés, la mission n’a pas eu lieu. Le génocide pouvait continuer sans entraves Malgré toute l’horreur que leur inspire les crimes commis au Darfour, des dirigeants du Sud vont jusque-là dans leur refus de collaborer avec les États européens et occidentaux.
C’est qu’« aujourd’hui, les mémoires des peuples du Sud sont en guerre ouverte contre l’Occident. Les mémoires des ressortissants d’Amérique latine et des Caraïbes, d’Afrique noire, d’Arabie et d’Asie sont des mémoires blessées ». Ce ressentiment est exacerbé par le fait que « l’Occident, à l’inverse, témoigne d’une mémoire triomphante, arrogante, imperméable au doute ». À ce propos, l’auteur cite Régis Debray : « Ne comprendra rien au XXIe siècle, celui qui ne saisit qu’aujourd’hui vivent côte à côte, dans le genre humain, deux espèces dont l’une ne voit pas l’autre : les humiliants et les humiliés. […] La difficulté vient de ce que les humiliants ne se voient pas en train d’humilier. Ils aiment à croiser le fer, rarement le regard des humiliés ».
Comment, en effet, oublier les génocides, l’esclavage, les crimes de toutes sortes commis à l’encontre des peuples colonisés par les Européens, alors que ceux-ci continuent à prétendre avoir apporté avec eu autant de bienfaits que de malheurs ? Jean Ziegler invite à la prise de conscience et au dialogue. Cela est indispensable pour espérer trouver des solutions aux grands problèmes de l’humanité tels que le surarmement, les famines, le sida et le manque d’eau.