Personne ne lira impunément ce retentissant et utile pamphlet contre la fluoration. Forts d’une documentation surabondante et blindée, les trois auteurs, tous au sommet de carrières convaincantes, additionnent si impeccablement leurs griefs et leurs connaissances que la fluoration devient une aberration. Leur verdict tombe pesamment : la fluoration doit, d’urgence, disparaître de nos mythes et de nos dépenses publiques. De chapitre en chapitre, en effet, les surprises les plus désagréables se multiplient : la fluoration de l’eau du robinet dans des villes comme Toronto ou Québec (dans ses anciennes frontières) ne diminue pas la carie, le fluor utilisé pour l’opération provient de déchets industriels dont les alumineries ne savent que faire, les dentifrices qui recourent au fluor constituent pour les enfants une menace plutôt qu’une protection, le fluor accroît le nombre des décès par cancer, etc.
Ce qui ajoute à la crédibilité de l’ouvrage, ce sont les tests judiciaires auxquels le pamphlet a été soumis et dont il est constamment sorti avec les honneurs de la guerre. Les trois spécialistes, confrontés à des pouvoirs publics comme la ville de Houston, ont démontré qu’aucune étude n’établit un lien probant entre la fluoration et la réduction de la carie, qu’aucune recherche n’a défini le seuil à compter duquel l’addition de fluor devient dangereuse… En revanche, ils ont prouvé à la satisfaction des tribunaux étatsuniens que la fluoration tue chaque année autant que l’ensemble de la guerre du Vietnam. La correction de trajectoire serait donc déjà enclenchée ? Pas du tout. Les décisions judiciaires n’ont pas convaincu les divers paliers de gouvernement de réviser leurs politiques en matière de fluoration, pas plus qu’elles n’ont infléchi le moindrement l’enseignement dispensé par les facultés universitaires ou la pratique des professionnels de l’art dentaire. On se surprend à penser à Galilée : lui aussi était impuissant à remettre en question une orthodoxie pourtant contraire à l’observation scientifique. Et pourtant, elle tourne, disait-il.
Qu’on conteste, si l’on veut, les conclusions de cette colossale enquête, mais qu’on lise le livre.