On se souviendra de L’iguane, premier roman de Denis Thériault, plusieurs fois primé et gagnant du Combat des livres à Radio-Canada en 2007. Le romancier, diplômé en psychologie de l’Université d’Ottawa, revient cette fois avec un roman des plus ambitieux, un ingénieux montage. L’histoire nous invite dans la bande des Cinglés, qui squattent un édifice désaffecté de Montréal. Des caractères singuliers bien campés, que l’on ne s’attendrait guère à voir se fréquenter, sont liés pour une question de survie. On y trouve la douce et muette Emma, Aude, chef de la tribu par les yeux de qui passe la narration et sœur de l’artiste mythofile, Ozzy, et le vieux prof alcoolo surnommé Proust ; sont aussi de la bande, le pansu, Mollusque, et son chien, ainsi que Raoul, le nain exhibitionniste, auxquels s’ajoutent l’Autochtone Matsheshu et le guerrier tatoué Frigon. Huit marginaux aux intérêts divergents, dont on apprendra au cours du récit les circonstances de leur apparition, vaquent à leurs occupations plus ou moins licites. Deux personnages extérieurs à la bande seront amenés à s’en approcher, l’un éclairant la voie menant à la situation finale.
Thériault nous réserve bien des surprises, voire des coups de théâtre. Il tisse un imbroglio digne de ces thrillers au suspense savamment entretenu. Plus encore, il puise dans l’appareil symbolique de la psychanalyse en recourant à la mythologie égyptienne, avec le mythe d’Osiris, pour offrir une piste d’interprétation du phénomène psychique au cœur de l’histoire. Phénomène à la limite de la vraisemblance qui incitera le lecteur à poursuivre sa recherche, une fois sa lecture terminée.
Obscur tout cela, pensera-t-on. C’est que la nature de l’intrigue impose la plus grande retenue. En effet, en révéler davantage détruirait l’effet recherché par le romancier. Toutefois, le lecteur peut être rassuré : les informations nécessaires à l’intelligence de l’histoire et à la cohérence de l’ensemble se présenteront à lui au cours du récit. À travers le halo de mystère, l’apparence d’absurdité, mais grâce à des effets de réel, de riches références culturelles et une conduite sans faille de la fiction, il ne pourra oublier La fille qui n’existait pas.