Le journaliste américain et auteur du livre à succès Minuit dans le jardin du bien et du mal, John Berendt, décide, en 1996, de s’installer à Venise. Amoureux de longue date de la cité des doges, il y restera près d’une dizaine d’années. La cité des anges déchus est le compte rendu de ses recherches sur quelques « rumeurs et ragots » qui ont passionné les Vénitiens durant son séjour.
L’écrivain débarque dans la lagune trois jours après l’incendie de la Fenice, la célébrissime salle d’opéra qui a vu la création de Rigoletto et de La Traviata. Incendie criminel ? Catastrophe due à la négligence ? Cette conflagration et ses répercussions judiciaires constituent la toile de fond sur laquelle viendront se greffer les autres histoires qui composent cette chronique vénitienne.
Par exemple, il tente de démêler les magouilles qui ont abouti à la création de la Fondation Ezra Pound (réfugié et mort à Venise) et du rôle douteux qu’ont joué les curateurs du musée Guggenheim dans cet imbroglio qui s’est résolu devant les tribunaux. Autre affaire qui a passionné le Tout-Venise : la querelle de préséance qui a divisé le conseil d’administration de la puissante organisation caritative américaine Save Venice, dont une partie des membres partira fonder Venitian Heritage.
Au passage, Berendt nous entretiendra (en intime) de la famille Curtis, originaire de Boston, venue s’établir, en 1885, dans le palazzo Barbarosur le grand canal. Au faîte de leur gloire, les membres de cette famille étaient les hôtes d’Henry James, de John Singer Sargent ou de Robert Browning. Aujourd’hui, leurs descendants doivent louer leur palais aux équipes de tournage ou en vendre une partie pour pouvoir continuer d’y vivre.
Au gré de ses enquêtes et de ses déambulations, Berendt croise le peintre surréaliste Ludovico De Luigi, le poète Mario Stefani (à la mort duquel il consacre un très beau chapitre), le patron du Hary’s Bar, Arrigo Cipriani, le fils atrabilaire du « dernier doge de Venise », Daniel Volpi, et bien d’autres encore. Les portraits qu’il en fait constituent le meilleur de son livre. C’est un régal. Mais plus que tout autre, le véritable personnage de La cité des anges déchus, c’est Venise elle-même ; avec ses humeurs, sa superbe et son goût des masques. C’est elle qui donne son unité à ces souvenirs de voyage par ailleurs un peu disparates.